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de sublime. Quelle est l’origine de ces idées? Digne sujet d’une recherche philosophique.

La curiosité est la première émotion de l’âme humaine. Nous cherchons d’abord la nouveauté; mais quoiqu’une certaine nouveauté soit une des conditions de l’attrait des choses, elles nous affectent directement par le plaisir ou la peine, qu’il ne faut pas tenter de définir. Cependant on peut distinguer le plaisir qui ne résulte pas de l’absence d’une peine, et qui est conséquemment un plaisir par lui-même, et le plaisir mixte, qui se compose ou s’accroît de la cessation d’une peine, de la disparition d’un danger, et que l’auteur appelle du nom bizarre de délice. Les sentimens qui suivent ou accompagnent le plaisir et la peine sont la joie et la douleur.

Les passions qu’engendrent le plaisir et la peine tendent à la conservation de l’individu ou à celle de la société. Les premières, principalement excitées par la peine et le danger, sont les plus puissantes de toutes. Tout ce qui est fait pour provoquer ces idées de peine et de danger, tout ce qui est terrible, est une source de sublime ou de la plus forte émotion que l’âme soit capable de ressentir. Parmi les passions qui intéressent la société, celles qui regardent la société des sexes admettent immédiatement l’idée de beauté; mais une idée de volupté s’y mêle, et cette dernière idée est étrangère aux autres passions sociales, à la sympathie, à l’imitation, à l’ambition. On peut dire en général que l’amour a pour objet la beauté. Le plaisir que nous donne l’imitation est la source de notre goût pour les arts, où sous une nouvelle forme trouvent place le sublime et le beau.

Quoi qu’on pense de cette métaphysique (et il est facile d’en apercevoir à la première vue l’insuffisance, l’inexactitude et la confusion), on prendra plus de plaisir à suivre l’auteur dans l’analyse particulière des passions ou pour mieux dire des affections qu’excite le sublime. Ici encore manquent la clarté et la méthode, les divers genres de sublime sont confondus avec leurs effets divers, et les causes de nos affections avec nos affections même; mais pourtant ce qu’il dit de l’étonnement, de la terreur et du respect, de l’obscurité, de la puissance, de la grandeur, de l’infini, fera penser, et s’il est difficile de rencontrer quelque part dans ce livre une théorie satisfaisante, même une vue large et lumineuse, on trouvera une constante élévation d’idées et des remarques détachées qui frappent par la justesse ou par l’expression. Les rapports de certaines causes de pure sensation avec la sublimité des objets naturels et artificiels, par exemple les effets de la lumière, de la couleur, du son, de l’odeur, de la saveur, de la soudaineté et de l’intermittence, sont étudiés avec une sagacité ingénieuse, et les vérités se rencontrent là pêle-mêle avec les singularités.