Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

connais pas l’auteur de ce papier. » En voilà plus qu’il ne faut pour prouver qu’il n’a point écrit des lettres où ne se reconnaissent ni ses opinions, ni son caractère, ni ses passions, ni ses intérêts, ni son style.

C’est dans la chambre des communes que nous devons chercher Burke, ai nous voulons le retrouver. Pour tracer l’histoire parlementaire d’un chef d’opposition, il faudrait raconter toute celle de son pays, et, passant avec les assemblées d’un débat à un autre, traiter successivement les questions dans l’ordre où elles se produisent, les abandonner quand elles font place à d’autres, y revenir quand elles reparaissent, multiplier les détails et les redites, porter dans le récit toute la confusion des affaires humaines. On sait quelle multitude de griefs et quelle variété de débats éleva l’opposition à cette époque. Burke la suivit ou la guida dans presque toutes les voies qu’elle s’ouvrit. Presque aucun discours de la couronne ne passa sans qu’il en fît la libre et sévère critique. Toutes les mesures pour garantir la pureté des élections eurent son appui. Comme pour attester qu’il n’était pas Junius lui-même, il défendit Junius et avec lui la liberté de la presse, en s’efforçant de faire régler les accusations d’office pour libelle, et d’assurer au jury, dans ces sortes de procès, la juste latitude de sa compétence. C’est dans un de ces derniers débats qu’il rencontra sur son chemin un jeune homme qui venait à dix-neuf ans d’entrer au parlement, et qui cherchait encore la voie où il devait glorieusement marcher. Charles Fox était le fils de Henri, premier lord Holland. Elevé, pour ainsi dire, dans le giron du gouvernement, il ne se doutait pas qu’il deviendrait l’orateur populaire que chacun sait. En avril 1769, il avait débuté par soutenir une des énormités de la chambre des communes contre Wilkes. « Il a parlé, dit Horace Walpole, avec insolence, mais avec une infinie supériorité de talent.» Le sergent Glynn ayant proposé une enquête sur l’administration de la justice criminelle, accusée communément de violence et d’arbitraire dans les affaires politiques. Fox s’éleva vivement contre cet appel à l’opinion du dehors, quand la pensée de la majorité devait seule être regardée comme la pensée de la nation (6 décembre 1770). Burke traita cette doctrine avec un assez rude dédain, et rien alors ne semblait préjuger que ces deux hommes dussent bientôt s’unir dans la plus libérale des oppositions, puis se séparer un jour encore, mais en sens inverse, Burke pour se ranger sous le drapeau conservateur, Fox pour agiter la bannière des révolutions.

Pour le moment. Fox devint lord junior de l’amirauté dans l’administration de lord North. Il paraît cependant que des relations bienveillantes l’avaient déjà rapproché de Burke. Du moins celui-ci rappelait-il, au temps de leur grande rupture, que Fox avait été comme