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sur la théologie ou la morale, ce sont des conseils sur l’art de se conduire en ce monde, qui peuvent s’appliquer à toutes les professions aussi bien qu’à la profession de chrétien. Le point de sagesse pratique que M. Walker s’attache à développer est celui-ci : « il faut concentrer ses efforts sur un objet déterminé et ne pas les éparpiller sur plusieurs ; il faut avoir un plan bien arrêté et le suivre invariablement ; il faut, dans ce plan, subordonner les détails à l’ensemble. » Tout cela me semblait être dit au point de vue de la réussite beaucoup plus qu’au point de vue du devoir. M. Walker est cependant lui-même un homme d’une haute moralité ; mais la moralité proprement dite manquait presque entièrement à son sermon. Pour le dogme, même philosophique, il n’en a pas été question. Je dois dire que dans la dernière phrase il y a eu un mot sur l’éternité. Je ne voudrais pas juger l’unitairianisme sur le hasard d’un sermon. On me parle d’un autre prédicateur unitairien de Boston qui est plein d’onction, et d’ailleurs les unitairiens n’ont-ils pas eu leur Fénelon dans Channing ?

Je suis allé voir M. Charles Sumner. Son nom fait frissonner certaines personnes, car il est free-soiler[1] soupçonné d’abolitionisme. Cela ne m’effraie pas trop ; du reste on ne m’en a point dit d’autre mal, et on reconnaît généralement qu’il est un des plus brillans orateurs du sénat. En attendant M. Sumner, je remarque dans son salon des vues d’Italie, des souvenirs de Rome. Le goût des arts et de l’antiquité n’est donc pas étranger ici. Allons, quoi qu’on en dise, je ne suis pas tout à fait en pays barbare. Cette veine européenne qui pénètre la société des États-Unis mérite d’être signalée, parce que, sans rien changer au caractère fondamental de cette société, elle en modifie considérablement l’aspect. M. Sumner me montre le Capitole, car dans le chef-lieu politique de chaque état l’édifice où se rassemblent les sénateurs et les représentans s’appelle du nom, selon moi trop emphatique, de Capitole. Celui de Boston renferme une belle statue de Washington par Chantrey. C’est bien le héros simple et rigide de la révolution américaine. Tout près, dans l’Athenœm, est un buste marqué d’un caractère plus individuel, et qu’on dit la seule effigie vraiment ressemblante du plus pur des grands hommes : Washington, extraordinaire par la rectitude et la simplicité, qui ne fut ni un éloquent orateur ni un subtil diplomate, mais que nul n’a surpassé pour la droiture du cœur et de l’intelligence, et qui eut le vrai génie politique, le génie de la vertu.

M. Sumner ne propose, point que le gouvernement intervienne dans la constitution des états à esclaves ; une pareille pensée serait

  1. On nomme ainsi ceux qui s’opposent à l’introduction dans l’Union d’un nouvel état à esclaves.