trop contraire à la politique de ce pays, politique dont l’essence est le respect du droit qu’à chaque état de se conduire comme il l’entend. Ce qu’il demande, c’est que le gouvernement ne protège point l’esclavage, que l’esclavage soit, comme il dit, sectionnel et non national, que par exemple le gouvernement fédéral ne prête point main-forte aux propriétaires d’esclaves fugitifs, quand ceux-ci viennent dans les états du nord pour les réclamer. C’est au nom de l’indépendance même des états qu’il repousse cette intervention, car, si les états du sud ont le droit d’avoir des esclaves, les états du nord ont le droit de donner asile à ceux qui viennent chercher la liberté sur une terre libre[1].
Près de Boston est l’université de Cambridge. Professeur moi-même, ayant visité les universités de l’Allemagne et étudié dans l’une d’elles, j’éprouve un vif désir de voir ce que peut être cette université américaine.
D’abord, il n’y a rien ici de pareil à ce qu’en France on appelle université. Le gouvernement est entièrement étranger à la fondation de l’établissement, qui remonte presque à l’origine de la colonie (1636) et n’est due qu’à des dons particuliers. Le premier de ses bienfaiteurs, Harvard, lui a donné son nom ; on l’appelle Harvard College, collége d’Harvard, en l’honneur de ce théologien de la Nouvelle-Angleterre qui lui légua la moitié de son bien et toute sa bibliothèque. De même un particulier nommé Yale fut dans le Connecticut le fondateur du collége de New-Haven, et lui a donné son nom. D’autres ont établi des chaires qui portent également leur nom. À Cambridge, un professeur de grec s’appelle professeur d’Elliot, parce que c’est à un M. Elliot qu’est due l’existence de la chaire qu’il occupe. On voit que dès l’origine de la colonie, de simples citoyens ont fait ici ce que faisaient en Europe la royauté et les aristocraties. Il y a aux États-Unis le collége d’Harvard, le collége d’Yale, comme il y avait à Paris le collége Montaigu et le collége d’Harcourt. Seulement ce sont des noms de théologiens et de commerçans, au lieu d’être des noms de grands seigneurs.
Aujourd’hui, plus que jamais, les particuliers font pour
- ↑ M. Sumner vient de prononcer, sur cette thèse, dans le sénat de Washington, un discours très hardi et très brillant, dont le succès coïncide avec le succès immense du roman de Mme Stowe Beecher, My uncle’s Tom Cabin. À propos des esclaves que possédait Washington, et que, par son testament, il ordonna d’affranchir, l’orateur a dit : « J’en appelle de l’âme de Washington, encore engagée dans les ombres de la vie terrestre, à cette âme déjà illuminée par les clartés d’une autre sphère. J’en appelle de Washington sur la terre à Washington dans le ciel. »