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celui de Saint-Etienne à Andrézieux sur la Loire, terminé en 1827[1]. Le chemin de Lyon était donc mi essai, essai hardi, mais dans lequel on sentait ces tâtonnemens qui se rencontrent au début de toutes les carrières où s’élance le génie de l’homme. A l’origine, on le comparait dans le pays à un cheval boiteux trottant sur des cailloux. La traction s’est faite pendant longtemps, en partie du moins, à l’aide de chevaux, même de bœufs. Il n’y a pas plus de sept à huit ans que la remonte des trains de Saint-Chamond à Saint-Etienne s’opère avec des locomotives. A la descente, les convois, lancés sur la pente de la montagne, reviennent seuls, par l’effet de la pesanteur, jusqu’à Rive-de-Gier, où la machine est allée les attendre. Malgré diverses améliorations réalisées à mesure que la science a étendu son domaine, ce chemin présente toujours des particularités vicieuses qui tiennent aux conditions primitives de, son établissement et à la nature du sol. Il existe d’ailleurs beaucoup moins pour les voyageurs que pour les produits de la contrée, auxquels il doit la prodigieuse prospérité dont il jouit.

Quand on veut voir à l’œuvre l’industrie locale et pénétrer parmi les ouvriers dont elle utilise les bras, il faut, en venant de Lyon, quitter la voie ferrée à Rive-de-Gier, et, laissant derrière soi, sur la gauche, les dernières élévations des Cévennes, gravir pas à pas la chaîne du Forez. Rive-de-Gier, qui marque le commencement de cette ruche laborieuse échafaudée le long des montagnes, est une cité exclusivement industrielle : il n’y en a peut-être pas une autre en France où la production occupe aussi complétement tous les bras. On n’y trouve pas une seule maison de commerce ou de commission. Dans cette ville d’ouvriers, tous les hommes, riches ou non, travaillent de leurs mains : pas de bourgeoisie, pas de classe ayant des loisirs. Tel avait commencé sa carrière par servir les maçons, portant sur ses épaules ce récipient incommode appelé l’oiseau, qui, devenu millionnaire, ignore toujours ce que c’est que le repos. Tel autre, simple ouvrier de forge d’abord, puis chef d’un établissement métallurgique dont les produits rivalisent avec les plus beaux fers de l’Angleterre, reste encore le premier forgeron de son usine. On n’a pas besoin d’entrer à Rive-de-Gier pour y

  1. Le chemin d’Andrézieux, construit avec une seule voie, avait reçu d’abord des rails en fonte qui n’avaient pas plus de 1 mètre 20 centimètres de longueur. Il suit tous les accidens d’un sol tourmenté, avec des courbes de 50 à 100 mètres de rayon, quand elles devraient en avoir au moins 300 pour répondre aux règles de l’art. Cette même contrée possède encore le railway de Saint-Étienne à Roanne, qui vient se souder sur celui d’Andrézieux à la Quérillière, mais dont la construction est postérieure d’une année à celle du chemin de Lyon à Saint-Étienne. Il se compose d’une série de plans inclinés et de remblais dans les montagnes, puis de longs alignemens dans les plaines du Forez. Ces voies plus ou moins défectueuses possèdent des tarifs élevés que l’industrie du pays trouve extrêmement lourds.