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ont profité, après 1848, de l’activité imprimée aux armemens militaires; ils peuvent en ce moment gagner de 50 à 55 sols par jour. Le travail des quincailliers est plus ingrat; leur industrie est en pleine décadence; dans l’intention fort louable de la ranimer, on a songé à ouvrir une exposition publique de ses produits et à distribuer quelques encouragemens honorifiques ou pécuniaires. Par malheur, le mal tient à la constitution même de cette industrie, à l’éparpillement de la force productive dans de très petits ateliers où ne sauraient s’installer les grands appareils propres à simplifier et à perfectionner le travail. Comment ces forges imparfaitement outillées pourraient-elles lutter contre nos magnifiques usines du Haut et du Bas-Rhin, de la Moselle, du Nord et de la Seine? De plus, les ouvriers quincailliers de Saint-Etienne, qui vendent à des commissionnaires les produits de leur travail, se font entre eux une concurrence désespérée auprès de ces acheteurs peu empressés, ils ne tirent que difficilement de leur labeur quotidien 40 ou 45 sols. A Saint-Chamond, parmi les cloutiers à la main, dont l’industrie est également en déclin, et aux environs de Rive-de-Gier, dans quelques petites communes peuplées de forgerons à domicile, on trouve aussi, malgré des habitudes laborieuses, une situation très gênée et parfois misérable.

La rétribution du travail est bien supérieure dans les grands ateliers métallurgiques de cette même contrée : à Rive-de-Gier notamment, les ouvriers en fer reçoivent de 3 francs 50 centimes à 4 francs 50 centimes par jour. Les ouvriers verriers sont beaucoup plus favorisés encore. Leur gain, qui représente près de 30 pour 100 dans la valeur des produits fabriqués, s’élève pour les souffleurs de verres à vitre à environ 300 francs par mois; mais aussi quelle pénible besogne! Les verriers travaillent, pour ainsi dire, dans le feu, qui dessèche en eux les sources mêmes de la vie. On sait que cette industrie avait reçu des anciens rois de France des faveurs exceptionnelles; les verriers se considéraient comme anoblis. Un usage, invariablement consacré par une durée de plusieurs siècles, formait en outre, au profit de leurs familles, un privilège qui a survécu à tous les privilèges de l’ancien ordre féodal, et auquel il n’a été apporté que de récentes et timides dérogations. Les souffleurs en verre jouissaient de la faculté de n’admettre dans leurs rangs que les fils de verriers; aucun autre apprenti n’était reçu sur les fours. Eh bien! ce gain considérable, cette digue élevée contre la concurrence, n’ont pas toujours été suffisans pour les retenir dans le pays. Rive-de-Gier a eu à souffrir plus d’une fois, notamment en 1846 et 1847, de l’émigration d’un assez grand nombre d’ouvriers appelés par les verreries d’Angleterre, d’Espagne et d’Italie, où on leur assurait 5 à 600 francs par mois, quelquefois même davantage. Cette espèce de drainage des forces vives de la