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la France. La convention récemment signée est la preuve des efforts qu’il a faits pour atteindre ce but. L’échange des ratifications de ce traité provisoire vient d’avoir lieu, et le gouvernement français, quant à lui, a fait suivre cet échange de ratifications de l’abrogation du décret de septembre sur les houilles et les fontes belges. Maintenant donc, le terrain reste libre pour les négociations qui vont s’ouvrir. Les intérêts des deux pays peuvent être discutés en dehors de toute pression et de toute excitation, et comme les deux nations ont un égal avantage à s’entendre, il ne saurait évidemment y avoir lieu qu’à un arrangement définitif, inspiré par un esprit de bienveillance et d’équité mutuelle. Si l’industrie française est intéressée à la conclusion d’un traité qui remplace le traité expiré de 1845, peut-être la Belgique y est-elle plus intéressée encore au point de vue politique comme au point de vue commercial. Tant que cette question ne sera point résolue, elle dominera sans doute toutes les autres en Belgique.

Quant au Piémont, bien que dans des conditions très calmes et très régulières, il se trouve néanmoins sous l’empire d’une de ces difficultés intérieures qui renaissent sans cesse une fois qu’elles sont soulevées, et qui ne se résolvent qu’avec le temps et une extrême sagesse : c’est la question du mariage civil, dont nous parlions l’autre jour. Le gouvernement de Turin est dans une situation d’autant plus délicate, qu’il se trouve placé entre l’épiscopat piémontais, qui publie son opposition contre tout changement apporté à la législation existante, et les partisans d’une réforme beaucoup plus absolue que celle qu’il médite peut-être au fond lui-même. Il n’ignore pas qu’il y a là le germe d’un redoutable antagonisme entre le pouvoir religieux et le pouvoir civil. Cependant la loi de 1850 sur l’abolition du foro ecclesiastico lui fait un devoir de régler les conditions du mariage, considéré comme contrat civil. Déjà, on l’a vu, le sénat de Turin a rejeté les premières dispositions d’une loi qui devait atteindre ce but, et, à la suite de ce rejet, le cabinet a retiré le projet tout entier. Aujourd’hui, on le conçoit, le ministère sent le besoin de procéder avec maturité et réflexion dans l’élaboration d’une loi nouvelle. Ce n’est point là, à ce qu’il paraît, l’affaire des démocrates piémontais, qui ne ressentent nullement un tel besoin, et qui ont récemment interpellé, dans la chambre des députés, le cabinet sarde sur ses lenteurs, sur ses condescendances à l’égard du clergé. M. Brofferio, l’un des héros du radicalisme turinois, n’y va point de main légère. Ce n’est pas seulement la loi sur le mariage civil qu’il réclame ; il demande encore toute sorte de réformes sur les biens ecclésiastiques, sur les couvens, sur les circonscriptions des diocèses. Un autre coryphée de la démocratie, M. Siotto Pintor, rappelle tout simplement l’exemple d’Henri VIII d’Angleterre, et reproche aux ministres de ne pas savoir dompter l’épiscopat par l’intimidation ou la corruption : à quoi M. de Cavour a justement et habilement répondu que les évêques piémontais n’étaient susceptibles ni d’être corrompus ni d’être intimidés. C’est, en effet, par cet esprit de modération et de conciliation que le cabinet de Turin peut réussir beaucoup plutôt que par les violences démocratiques. Le président du conseil actuel, M. de Cavour, est assurément un des nouveaux hommes d’état les plus distingués du Piémont. Il a eu l’ambition du pouvoir, ambition un peu impatiente quelquefois peut-être, mais il en a aussi l’intelligence et la capacité. Il a aujour-