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lequel ils ont trouvé un asile, ce qui, je le sais, sera taxé d’hérésie, de blasphème, de démence. » Aussi conseillait-il fortement de soutenir la Vendée, et c’est à lui que s’adressa le comte d’Artois, lorsqu’il projeta de débarquer dans l’ouest avec l’aide du gouvernement anglais (octobre 1793). Burke eut grand soin de lui répondre qu’il n’avait nul pouvoir, et que les ministres ne le consultaient pas. Il était membre du conseil privé, simple titre qu’il ne pouvait ne pas avoir après les fonctions qu’il avait remplies. Les Français en concluaient qu’il devait être quelque chose dans le gouvernement, ce qui l’obligeait à sans cesse expliquer qu’il n’était rien, et pas même écouté. C’est ce qui apparaît clairement dans ses Remarques sur la politique des alliés relativement à la France. Il y oppose la politique de l’émigration française à la politique de la coalition. Les cabinets de l’Europe veulent rétablir en France la monarchie, et ils évitent de faire cause commune avec tout ce qui la représente, avec les princes, avec la noblesse, avec le clergé proscrit : ils ménagent la France actuelle, la France du jacobinisme; mais si l’on consulte cette France-là, c’est la république qu’elle donnera, ou tout au moins la démocratie royale de 1791, toujours la révolution. Il faut choisir, ou la monarchie, ou la révolution ; point de milieu, point de parti neutre. Si l’on est pour la monarchie, il faut regarder la France morale comme séparée de la France géographique; la France n’est plus en France. C’est donc la restauration pure et simple que les puissances doivent annoncer et accomplir. Au lieu de reconstituer la France dans sa force, leur politique conduisait à l’affaiblir, à la morceler, à l’anéantir, précisément parce qu’on n’oserait anéantir la révolution. C’est la politique qui vient encore de partager la Pologne, car Burke, ami de tous les droits consacrés par le temps, ne parle jamais sans indignation de ce marché d’iniquité. C’est aussi pour lui un exemple révolutionnaire, comme tout abus de la force. Un autre exemple pourrait lui être objecté : c’est la restauration des Stuarts; mais il répond que la révolution anglaise avait été une guerre civile, que le gouvernement de Cromwell était un gouvernement, et que c’était la nation qui avait amnistié Charles II. Singulière manière de se délivrer de la difficulté! De même, à force d’avoir dit que les Français sont des athées, que la guerre est une guerre de religion, il se trouve un peu embarrassé de ce qu’il fera des protestans dans la restauration de l’église catholique. La question de l’amnistie le gêne aussi, et, sans pencher vers un excès de clémence, il hésite à proportionner le châtiment à la grandeur et à la généralité du crime, telles qu’elles ressortent de l’exagération de ses tableaux. On conçoit qu’il trouvât beaucoup d’inconséquence et une certaine duplicité dans la politique de son gouvernement, on peut admettre même qu’une guerre de parti parût