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moins anti-nationale aux Français assez malheureux pour espérer dans l’étranger, et que Burke s’imaginât faire preuve de générosité en séparant la France de sa révolution; mais au fond il n’y a ni justice ni politique dans aucun système absolu, et, en devenant tout à fait homme de parti, il perd peu à peu les qualités de l’homme d’état. Absorbé par une idée fixe, il ne faut plus espérer de lui ce reste d’équité et de modération que perdent difficilement les grandes intelligence. Cette fatale influence de l’esprit de parti lui arracha celui de ses écrits qu’on lui a le plus reproché.

Pendant la session de 1793, Fox avait tenu une conduite au moins très hasardée. Rien n’est plus difficile que la conduite d’un ami de la liberté dans les temps de révolution. Ceux qui prétendent éviter jusqu’au contact de l’esprit révolutionnaire en persistant à défendre la liberté tentent l’impossible ou se condamnent à un isolement spéculatif, sans responsabilité peut-être, mais sans influence. Ils sont irréprochables, je le veux, mais inutiles. Ceux qui se décident à emprunter le secours, à suivre le drapeau, à avouer les actes des révolutions, même avec mesure ou pour un temps, n’échappent guère au danger d’être entraînés au-delà de leurs intentions et de leurs principes, et de se compromettre avec la liberté qui s’égare. Innocens dans leurs actions, ils n’évitent point un air de complaisance envers des partis insensés ou criminels, et la pureté de leurs principes, comme celle de leur conscience, ne sort pas toujours intacte de l’épreuve. La situation de Fox en Angleterre était sans doute moins difficile que celle des hommes de 89 en France. L’esprit révolutionnaire ne pénétra jamais profondément la société anglaise. Quoi que Burke en ait dit, la propagande du jacobinisme n’y fut jamais redoutable. Les lieux communs démocratiques n’y étaient guère qu’un thème d’opposition. Cependant il était rude de paraître soutenir ou favoriser de telles doctrines, alors commentées par des actes terribles, et avouer, même d’une manière abstraite, les principes de notre révolution était difficile, lorsque cette révolution en compromettait l’honneur. Nous avons tous passé par cette difficulté-là. Elle était grande, surtout pour un homme d’état qui aspirait au pouvoir dans une société opposée par ses préjugés autant que par ses lumières, par ses intérêts autant que par ses institutions, aux doctrines révolutionnaires. Par la marche qu’il avait adoptée. Fox risquait au moins sa renommée, et cependant il était difficile que le généreux défenseur de la liberté n’applaudît pas au grand effort de la France, et que les héritiers de Hampden et de Sidney fussent du parti de la coalition des rois absolus. Le ministère hésitait lui-même à se déclarer contre-révolutionnaire. Il existait dan, les chambres une opinion flottante et modérée qu’effarouchaient les extrémités de Burke. On pouvait croire que la presse