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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/476

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opposante finirait par être la plus forte et par faire pencher la balance de l’opinion. Une opposition libérale ne peut guère rompre avec les partis populaires, même quand elle s’en distingue et qu’elle est décidée à ne pas les suivre. En Angleterre d’ailleurs, les mœurs accordent une grande latitude dans le choix des moyens d’opposition. Le rigorisme en cette matière y paraît une duperie, et l’expérience après tout a montré que cette liberté d’action était là sans danger. Enfin l’ardeur du combat, l’entraînement de parti, l’imagination, l’ambition, la colère, expliquent assez comment Fox put aller très loin dans les voies d’une opposition quasi-révolutionnaire, et, sans partager les idées ni les desseins des partis subversifs, s’exposer à les encourager en excusant leurs actes, en soutenant quelques-uns de leurs principes, surtout en combattant leurs ennemis. Il avait plutôt un cœur noble qu’une conscience rigoureuse, et son esprit, plus pratique que philosophique, n’était pas toujours bien correct dans le choix de ses théories. Il est remarquable au reste qu’il fut suivi dans cette voie par les hommes les plus éminens de son parti. Non-seulement Sheridan, qui était comme son extrême gauche, mais Grey, Tierney, Whitbread, Erskine, firent campagne avec lui. Lorsqu’à la fin de la session il publia, pour se défendre, sa lettre aux électeurs de Westminster (janvier 1793), le club whig, par une résolution expresse, déclara « que sa confiance en M. Fox était confirmée, fortifiée et augmentée par les calomnies dirigées contre lui,» et, chose remarquable, le duc de Portland et lord Fitzwilliam concoururent encore à cette résolution.

Ce fut pour Burke un très sensible coup. Ces calomnies, ce ne pouvaient être que ses attaques contre la politique de Fox. Lord Fitzwilliam était son ami, et dirigeait, avec le duc de Portland, cette fraction des whigs dont la révolution française alarmait la prudence et tempérait l’ardeur. Inquiet et blessé, Burke jeta sur le papier ses Observations sur la conduite de la minorité, ce qui veut dire la conduite de M. Fox. Elle y est censurée en cinquante-quatre articles comme inconséquente, imprudente, dangereuse, et quelquefois pis que cela. Ce ne sont point, comme on l’a dit, cinquante-quatre chefs d’accusation, quoiqu’il y ait telle imputation qui touche à la haute trahison; la plupart des reproches sont purement politiques, et le langage est plus dur qu’il n’est injurieux. Ce qu’on y voit surtout, c’est combien Burke avait sur le cœur tout ce qui montrait comme séparée de lui la masse du parti whig, combien il craignait que ce parti, reformé en parti de gouvernement, ne s’emparât des affaires et ne revînt au pouvoir avec le concours du duc de Portland. C’est pour prévenir ce dernier malheur qu’il écrit. Il rappelle combien de fois l’opposition de Fox a éclaté contre des actes approuvés ou conseillés par le noble