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supériorité digne de ses plus beaux temps. Il y a là des pages vraiment écrites de la main d’un homme d’état, et que tout homme d’état ferait bien de lire encore.

Un tel ouvrage était dirigé contre Pitt. C’est lui qu’il attaque lorsqu’il parle de l’affectation à déplorer la guerre, à ne pas la vouloir, même en la faisant, de la prudence qui ménage toutes les opinions, qui s’assure les moyens de revenir toujours sur ses pas. C’est à lui qu’il pense en peignant ceux «qui, froids comme la glace, n’ont jamais su allumer au fond des cœurs une étincelle du zèle nécessaire pour lutter contre un zèle opposé, qui n’ont jamais répondu aux prétendues exigences de l’opinion populaire que par des argumens flasques et languissans, faibles et évasifs, qui n’ont rien fait pour inspirer à tous cet esprit de persévérance et d’opiniâtreté qui seul peut soutenir les vicissitudes de la fortune dans une longue guerre. » Vainement à la fin de la lettre s’excuse-t-il auprès de Pitt, le loue-t-il de ce qu’il a fait, lui demande-t-il uniquement d’être fidèle à ses propres exemples, et lui promet-il, au jour du péril, d’aller mourir à ses côtés; assurément l’altier ministre, dans le fond du cœur, ne lui pardonna jamais.

Quoique nous ayons une lettre de Burke où il se faisait excuser auprès de Canning, qui avait loué son ouvrage, de s’être exprimé sur M. Pitt avec un peu d’âpreté, il persista. On lui disait un jour que les négociations réussiraient peut-être, et que la révolution finirait. « La fin de la révolution! s’écria-t-il, la révolution finir! elle est à peine commencée. Jusqu’ici vous n’avez entendu que l’ouverture; vous allez entendre les acteurs à présent; mais ni vous ni moi nous ne verrons le dénouement du drame. » La paix ne se fit pas ; lord Malmesbury quitta la France au mois de décembre, et quant à la fin de la révolution, on sait ce qui en est advenu.

En 1797, les Observations sur la conduite de la minorité parvinrent inopinément à la connaissance du public. On a dit qu’un copiste infidèle, nommé Swift, les avait livrées à l’impression sous ce titre : Cinquante-quatre chefs d’accusation contre le très-honorable Charles-James Fox. Ce fut, comme on pense bien, un grand scandale, et qui pèse encore sur la mémoire de Burke. Cependant il s’empressa de désavouer la publication et d’adresser une requête au chancelier pour qu’il y fût mis obstacle. — Ce n’était, disait-il, qu’une lettre privée, — bien longue en vérité et bien politique. Mais cette lettre privée n’était pas destinée à être anéantie, et elle est une œuvre de haine plus calculée qu’il ne faudrait pour qu’on l’attribuât uniquement à l’entraînement de la polémique. Nous ne pouvons dire qu’une chose, c’est que Burke croyait sincèrement défendre la cause des honnêtes gens. Il nous a été imposé de voir tant d’exemples de l’empire de certains