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hommages, conservait en réalité la plus complète indépendance. Cette île n’est séparée que par un canal étroit de la province javanaise de Besouki. Avant de recueillir les fugitifs de Modjopahit, elle avait déjà subi l’influence de la civilisation hindoue. Un prince javanais y avait fondé l’état de Klong-Kong, et les descendans de ce premier souverain exercent encore aujourd’hui une sorte de suprématie morale sur les chefs qui gouvernent les huit autres principautés. Le culte de Siwa et l’institution brahmanique des quatre castes se perpétuèrent à Bali pendant que l’islamisme envahissait toutes les îles voisines. La densité de la population, ses mœurs belliqueuses, le dévouement fanatique qu’elle professait pour des chefs revêtus à ses yeux d’un caractère sacré, sauvèrent sa nationalité de l’irruption étrangère.

A l’exception de ce dernier vestige des royaumes hindous, le pouvoir de la compagnie embrassait donc, vers la fin du XVIIIe siècle, la portion de la Malaisie qui s’étend au sud de l’équateur. Il avait suivi pour ainsi dire pas à pas l’invasion musulmane et les progrès de la race malaise; il avait dû s’arrêter partout où ces singuliers pionniers de la civilisation ne lui avaient pas frayé le chemin. Il n’entre point dans notre plan d’énumérer toutes les causes qui finirent par amener, en 1795, la dissolution de cette célèbre compagnie. Depuis près d’un demi- siècle, ses affaires n’avaient fait que décliner sans que son influence politique en eût souffert. Elle remit aux mains de l’état une colonie momentanément obérée et un empire dont les destinées devaient être désormais unies à celles de la nation néerlandaise.

Entraînée dans le tourbillon de la révolution qui venait de s’accomplir en France, la Hollande, pendant plusieurs années, ne put rien tenter pour améliorer le sort de ses possessions d’outre-mer. Vers la fin de 1807, le maréchal Daendels fut nommé au gouvernement de Java. Le génie de cet homme énergique eut à peine le temps de déposer dans l’île le germe des réformes salutaires qui devaient éclore plus tard. Les trois années pendant lesquelles il conserva le pouvoir inaugurèrent l’intervention de l’état dans les affaires des Indes. Ce fut une période de transition marquée par de grandes choses et par de regrettables excès. Les résultats que nous admirons aujourd’hui ont presque tous leur source dans cette vive impulsion d’une dictature que le relâchement de l’administration avait rendue nécessaire.

Le général Janssens venait de succéder, en 1811, au maréchal Daendels quand les Anglais débarquèrent à Java. Leurs efforts furent secondés par l’ébranlement moral qu’apportaient jusqu’au sein des colonies les événemens accomplis en Europe. Ils ne rencontrèrent dans l’île qu’une insignifiante résistance. En moins d’un mois, les Javanais et leurs souverains passèrent sous un nouveau joug. S’il faut en croire des révélations récentes, le cabinet britannique ne