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fanatisme et par de longues habitudes d’indépendance y couve toujours quelque part. Aussi l’occupation de cette île a-t-elle donné lieu à une guerre incessante dans laquelle se sont fondées presque toutes les réputations militaires de l’armée des Indes. En 1831, le général Van den Bosch eut l’honneur de terminer cette guerre désastreuse. Le dernier retranchement des rebelles fut enlevé d’assaut vers la fin de 1833, mais ce ne fut qu’en 1840 que la prise de Baros et celle de Singkel, situés sur les confins de l’état d’Achem, vinrent compléter ce triomphe. L’île de Sumatra occupe aujourd’hui le second rang dans les possessions néerlandaises, et le port de Padang sur la côte occidentale est un des marchés les plus importans de l’archipel indien.


III.

L’organisation agricole de Java et la pacification de Sumatra avaient rempli les quinze années qui s’étaient écoulées entre le départ de M. Dubus de Ghisignies et la mort du quatrième successeur de M. Van den Bosch, M. Merkus. Lorsqu’en 1845 M. le comte de Rochussen fut nommé au gouvernement de Batavia, la sollicitude de la Hollande pour ces deux parties importantes de son établissement colonial était déjà moins exclusive. La présence des Anglais sur la côte de Bornéo, leurs tentatives pour établir des relations commerciales avec les habitans de Bali, dont l’attitude altière semblait un défi permanent porté à l’influence hollandaise, les provocations réitérées de la presse britannique, commençaient à troubler la quiétude dont le gouvernement des Pays-Bas avait joui depuis 1830.

L’administration de M. de Rochussen, si l’on étudie attentivement la portée de ses actes, ouvre une période nouvelle dans l’histoire des colonies néerlandaises. C’est l’époque où l’action gouvernementale se raffermit sur tous les points où elle s’était insensiblement relâchée. La Hollande semble alors réagir par un secret travail d’expansion contre les tendances envahissantes de l’Angleterre. M. de Rochussen n’a point seulement à défendre la prospérité de Java contre les innovations irréfléchies qui la menacent : il lui faut aussi garder de toute atteinte la suprématie morale sur laquelle repose l’avenir de ce magnifique établissement. A l’énergie de ses mesures les peuples de l’archipel indien reconnaissent le bras de leurs anciens maîtres. C’est le dernier sceau apposé aux traités de 1814 et de 1824.

Il faut bien le reconnaître, les empiétemens successifs qui ont arraché à la Hollande des plaintes si amères n’ont eu, en réalité, pour cause première que son défaut de prévoyance. Une politique plus active et plus vigilante eût certainement prévenu, en 1818, l’occupation de Singapore, et jamais les Anglais n’eussent songé à s’établir sur la