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il serait tout à fait superflu de rédiger ici un devis de dépenses, avant de connaître les dispositions qui seront arrêtées par les autorités compétentes. La subvention variera nécessairement suivant que les conditions imposées à la compagnie seront plus ou moins onéreuses ; mais, en laissant de côté les chiffres, il n’est pas sans intérêt d’indiquer les procédés à l’aide desquels on peut déterminer, au moins approximativement, le taux d’une subvention. — Le mode qui paraît, au premier abord, le plus simple consiste à accorder une somme fixe par cheval de vapeur. Il est surtout praticable lorsqu’il s’applique à des services nettement définis, qui exigent l’emploi constant de la vapeur, et pour lesquels les navires doivent tous être construits sur le même modèle et avec la même force, car alors on sait exactement quelle sera la dépense de chaque voyage. — D’après un second procédé, on calcule le nombre de milles que les paquebots sont tenus de parcourir pendant l’année ; on évalue les frais en raison des conditions de vitesse, et la subvention est allouée par mille. Ainsi la compagnie anglaise des Indes occidentales et du Brésil, dont le parcours annuel est de 547,296 milles, reçoit une somme de 270,000 liv. sterl., qui représente, par mille, 9 sh. 10 d., et, en vertu du contrat, ce dernier chiffre est pris pour base des supplémens qui devraient être alloués à la compagnie dans le cas où l’état jugerait à propos d’allonger les itinéraires. À ce point de vue, la subvention par mille présente, pour certaines lignes dont le parcours ne saurait être définitivement établi au moment de la concession, un avantage très appréciable, en ce qu’elle résout à l’avance les difficultés auxquelles donneraient lieu les modifications prescrites par le gouvernement dans la direction des services. — Suivant une troisième méthode, on estimerait le capital nécessaire pour l’exploitation des services, et l’état accorderait, à titre de subside, une somme représentant une certaine proportion de ce capital (25 ou 30 pour 100, par exemple). — Enfin l’enquête qui a été ordonnée en Angleterre sur le service dés paquebots a révélé un dernier procédé qui mérite d’être signalé. En 1848, avant l’expiration du contrat passé avec la Compagnie Péninsulaire et Orientale pour une ligne mensuelle de Southampton à Alexandrie, le gouvernement, désireux d’obtenir à plus bas prix le transport des malles, mit le service en adjudication. La Compagnie Péninsulaire fit observer qu’il serait injuste de lui enlever une exploitation à laquelle elle avait consacré un capital considérable ; mais, ses propositions n’ayant pas été agréées, elle offrit de livrer ses comptes de toute nature, pendant la durée d’un nouveau contrat, à l’examen d’inspecteurs délégués par l’échiquier, et elle s’engagea à verser au trésor les produits excédant la somme nécessaire pour paver aux actionnaires un intérêt net de 10 pour 100. Assurément, on s’imaginerait, avec quelque raison, que le plus grand obstacle pour l’emploi d’un procédé de cette nature viendrait des compagnies elles-mêmes ; les entreprises commerciales n’aiment pas, en général, à dévoiler le secret de leurs opérations. Cependant, on le voit, l’une des plus grandes compagnies de l’Angleterre suggérait spontanément ce moyen, que l’échiquier n’eût sans doute pas osé lui proposer. — Pourquoi, dans la concession des services français, le gouvernement ne se réserverait-il pas la faculté que la Compagnie Péninsulaire offrait à l’échiquier ? Il jugerait ainsi, par ses propres yeux, si la subvention est insuffisante ou excessive.