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Ce n’est point la seule économie qui pourrait être obtenue. Les navires français sont soumis, dans les ports étrangers, à des droits de tonnage plus ou moins élevés : un dollar par tonneau aux États-Unis, 12 réaux (8 fr.) à la Havane, 300 reis (80 centimes) au Brésil. Acquittés à chaque voyage par des bâtimens d’un fort tonnage, ces droits représentent une somme considérable. Les paquebots étant appelés à rendre à tous les pays qu’ils desserviront d’immenses services, ne paraît-il pas naturel qu’ils soient partout exemptés des taxes de tonnage ? L’Angleterre et les États-Unis accueilleraient sans doute cette proposition ; le Brésil a déjà réduit les droits d’ancrage, et il ne refuserait probablement pas la franchise complète pour favoriser les relations de Rio-Janeiro, Bahia et Fernambouc avec les plus grands marchés de l’Europe. Quant à l’Espagne, elle a tellement besoin de ses ressources fiscales que son concours serait peut-être plus difficile à obtenir ; il s’agirait en effet pour elle d’abandonner une recette assez importante. Cependant les réformes que le cabinet de Madrid a récemment introduites dans la loi maritime de la métropole et des îles Canaries révèlent une tendance marquée vers le libéralisme, et la pensée qui les a inspirées ne devrait voir dans les encouragemens accordés aux steamers que l’application des saines doctrines économiques. Quoi qu’il en soit, l’occasion est favorable pour appeler sur ce point particulier de la législation internationale la sollicitude des gouvernemens.

La nécessité de réduire, autant que possible, les charges qui pèsent sur les transports deviendra chaque jour plus évidente et plus impérieuse. On ne tardera pas à comprendre que le maintien de toute rigueur fiscale est incompatible avec le progrès des communications nouvelles. Plus les nations se rapprochent et se pénètrent, plus elles aspirent à resserrer encore les liens qui les unissent. On ne se contentera point de franchir vite et à l’aise les plus grandes distances : on voudra que les échanges ne soient plus entravés par les prohibitions ou par des taxes trop souvent excessives, et tôt ou tard l’essor imprimé à la navigation à vapeur amènera la réforme des lois de douanes. La conséquence est logique. À quoi bon multiplier les navires, améliorer leur construction, accroître leur vitesse, si l’on ne songe en même temps à leur procurer du fret ? Cette observation se rattache intimement à la création de nos services transatlantiques. L’abaissement des tarifs augmenterait le trafic des lignes et permettrait de diminuer le chiffre des subsides alloués à la compagnie. En effet, tout se suit et s’enchaîne dans l’exécution d’une œuvre utile comme dans le développement d’une pensée juste. Le jour où la France possédera enfin des lignes de paquebots, elle verra s’ouvrir devant elle une longue carrière de progrès ; elle améliorera les communications postales ; elle facilitera de plus en plus les entreprises du commerce, les conquêtes de l’industrie, les nobles travaux de la science ; elle se répandra sur les rives les plus lointaines par l’envoi régulier de ses produits et de ses colons. Qu’elle se hâte donc ! Il faut que, dès aujourd’hui, elle parcoure avec ses rivaux les grandes routes de l’Océan.


C. LAVOLLEE.