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apporter. Le bénéfice de la compagnie résultera d’un prélèvement de 800 hectares fait à son profit sur chaque concession annuelle. Comme nous le disions, ces propositions sont en ce moment à l’étude. Elles peuvent aboutir à un résultat heureux, justement parce qu’elles ne sont pas gigantesques et qu’elles se présentent dans des conditions plus praticables. Il reste enfin un dernier projet, qui n’est certes point le moins ingénieux : c’est celui de la création de villages départementaux, ou, en d’autres termes, de villages dont la population serait empruntée à chaque département de France. Dans un pays comme l’Afrique, en effet, on a pu le remarquer, les villages se composent souvent d’habitans dont la langue, les mœurs, les usages sont différens ; ce sont des individus qui vivent juxtaposés, ce n’est point une population homogène, vivant de la même vie. Les villages départementaux dont on parle auraient pour but de remédier à cette incohérence, de fortifier la population française, relativement faible en Afrique, de rendre l’émigration plus facile et moins rebutante pour les paysans de nos campagnes, en changeant le moins possible leurs habitudes et en leur faisant retrouver sur le sol africain une sorte d’image de leur patrie européenne. Joignez à tous ces plans de colonisation les projets de chemin de fer, qui commencent à se produire et à se multiplier pour l’Afrique. Il est déjà question de propositions faites au gouvernement pour créer des lignes de fer entre Alger et Blidah, entre Philippeville et Constantine, d’Arzew vers Oran. Comme on voit, l’Algérie exerce sur les imaginations l’influence des terres merveilleuses ; elle fait germer les combinaisons. Dans tous ces projets, ce qui nous semble le plus utile, c’est de faire le moins de part possible au chimérique et au gigantesque. Il ne suffit pas de jeter dans le monde de la spéculation quelque combinaison qui frappe et qui étonne ; on sait ce qui en arrive souvent : l’outre gonflée se crève, après toutefois que les inventeurs ont commencé par se payer de leurs inventions. Il a été fait sur le sol de l’Afrique assez d’expériences pour que l’opinion publique ne s’intéresse qu’aux tentatives sérieuses, et que le gouvernement ne seconde avec une sage hardiesse que les entreprises possibles et réellement fécondes.

Nous parlons ici d’un intérêt en quelque sorte à demi extérieur, puisqu’il suppose une expansion de la France hors de sa sphère d’action continentale. C’est une pensée pratique qui doit régler et féconder cette expansion, et n’en est-il pas toujours ainsi, de quelque intérêt qu’il s’agisse ? La même pensée prudente et pratique ne doit-elle pas présider aux profonds remaniemens que le gouvernement croit devoir accomplir dans diverses parties de l’administration intérieure, notamment dans l’instruction publique en ce moment ? C’est la loi du 15 mars 1850, on ne l’a pas oublié, qui a commencé de modifier d’une manière sensible le principe même du régime de l’enseignement. Le décret du 10 avril 1852, qui trace tout un nouveau programme d’études, est venu, dans un autre ordre d’idées, ajouter à cette transformation. Ce changement profond dans la direction générale de l’instruction publique entraînait nécessairement un assez grand nombre de modifications dans l’économie du régime universitaire. C’est de cet ensemble de modifications, sorte d’appendice du décret du 10 avril, que s’occupe depuis quelques jours le conseil supérieur, sur les propositions de M. le ministre de l’instruction publique.