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Au nombre des collaborateurs de Stuart et des hommes qui contribuèrent au succès du Morning Post, nous trouvons d’abord deux Écossais, George Lane et sir James Mackintosh, le propre gendre de Stuart ; puis des noms célèbres dans la poésie anglaise : Coleridge, Southey, Wordsworth et Charles Lamb. Stuart avait essayé, mais inutilement, d’attacher Robert Burns au Post : nous avons déjà vu que Campbell collaborait au Chronicle ; chaque journal avait alors son poète et son faiseur d’épigrammes en titre. Une feuille éphémère, le World, avait mis à la mode, pendant sa courte carrière, ce que les Anglais appellent les jokes, c’est-à-dire les pointes, les bons mots, les facéties. Les jokes ne devaient guère excéder six ou sept lignes et devaient autant que possible avoir trait aux événemens du jour. Charles Lamb a débuté dans les lettres par être l’épigrammatiste en titre du Morning Post, à raison de six pence ou douze sous par plaisanterie. La poésie tenait dans les journaux une place plus importante encore que l’épigramme. Les feuilles quotidiennes ne s’adressaient encore qu’à la classe lettrée, pour qui de beaux vers avaient un attrait naturel, et une partie de l’espace occupé aujourd’hui par les renseignemens commerciaux était réservée alors à des pièces de vers qui trouvaient des lecteurs. On a conservé le souvenir de la sensation profonde que produisirent le poème de Coleridge intitulé the Devil’s Thoughts et le portrait de Pitt par le même auteur, et pourtant ces deux morceaux, lors de leur publication dans le Post, n’avaient aucun rapport avec les préoccupations du jour.

Le Morning Post, à qui Stuart avait donné une couleur très-libérale, était arrivé au plus haut degré de prospérité, lorsque la cour, à qui cette feuille portait ombrage, en lit acheter sous main presque toutes les actions, et obligea Stuart à se défaire de sa part de propriété. Stuart se consacra dès lors tout entier à son autre journal, le Courrier, dont il fit la plus libérale et la plus répandue des feuilles du soir.

Nous arrivons maintenant au plus puissant des journaux anglais, à celui sur lequel tous les autres ont fini par se modeler. Le Times a été fondé en 1780 par l’imprimeur Walter sous le nom de Daily universal Register. Walter était l’inventeur d’un nouveau système de composition, qu’il appelait logographique, et qui consistait à assembler des syllabes et des mots entiers au lieu d’assembler des lettres isolées[1]. Walter ne se bornait pas à imprimer le Daily universal Register logographiquement, il imprima aussi un grand nombre d’ouvrages, et ce n’est qu’après une longue résistance qu’il se décida à revenir au mode d’impression ordinaire. Son journal avait alors changé de titre

  1. Les caractères que Walter employait, et qu’il avait fait fondre tout exprès à grands frais, représentaient les radicaux et les désinences qui se reproduisent le plus souvent dans la langue anglaise, et dont la liste seule avait coûté beaucoup de recherches à Walter. Il se flattait de composer beaucoup plus vite par ce système, et surtout d’épargner les frais de correction. Les fautes typographiques, les coquilles, devaient être beaucoup moins fréquentes que par le procédé usuel.