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s’écrie toute la troupe. Eh bien ! hourra pour la bataille ! — À notre première victoire ! dit l’officier, et souhaitons à qui tombera au sort une joyeuse mort de soldat. — Puis il s’en alla, doux et grave ; nos soldats entonnèrent le chant national. Le chant s’élevait sous la voûte des arbres, la flamme montait claire et pétillante ; tous s’endormirent avant le matin, mais celui qui dormit le dernier, ce fut Jean-Pierre. Plus les autres avaient chanté, plus il était devenu silencieux. Il songeait aux paroles du capitaine, à son regard profond, et mille diverses images se présentaient à ses yeux. Il écoutait ces chants du Danemark, il les avait chantés bien souvent dans son enfance ; cependant combien ils lui paraissaient nouveaux, et comme il les comprenait pour la première fois ! Puis sa pensée fatiguée se réfugia en arrière, vers sa mère et son foyer… et, lasse de réflexion, elle jeta l’ancre dans la maison paternelle, dans Nyboder… et il sommeilla doucement, jusqu’à ce que le bruit du camp et la fraîcheur du matin vinssent le tirer du sommeil… » Suivent les récits de la bataille, de la captivité, de la trêve, enfin du retour dans la patrie, écrits avec âme et avec une connaissance parfaite des circonstances locales qui fait dire à chaque Danois : « J’y étais ! mon fils, mon frère, mon père y était ! » De pareilles qualités font vite un bon livre, et un livre pareil, qui s’apprend par cœur et inspire le plus humble, ressemble fort à un acte de patriotisme, à une bonne action.

L’année 1852 a vu se multiplier en Danemark, à la suite de celles que nous venons de citer, les publications relatives à la guerre des duchés. Outre un petit recueil de nouveaux Contes, par M. Andersen, et quelques œuvres dramatiques originales, comme un Episode (de la vie d’Ewald), par M. Ch. Juul, et la Jeunesse de Tycho-Brahé, par M. Hauch, — l’année littéraire a vu aussi se produire de nouvelles et belles éditions, comme celles des œuvres d’OEhlenschlseger et d’OErsted[1], d’Ewald et de Hauch[2]. On a continué d’importans ouvrages, comme le Dictionnaire des auteurs danois, par M. Erslew. Si on ajoute à ces travaux les incessantes recherches des sociétés savantes du Danemark, si justement renommées, on reconnaîtra dans ce petit royaume une singulière activité littéraire, au moment où, à peine délivré des tristes diversions d’une guerre redoutable, il rencontre encore dans la politique intérieure une nouvelle cause de préoccupations.


A. GEFFROY.


V. DE MARS.

  1. Chez le libraire Hœst à Copenhague.
  2. Chez le libraire Reitzel.