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Adeline Protat.

DEUXIÈME PARTIE[1].


I. — la fille adoptive.

Un matin, le sabotier, qui avait droit de pêche sur le littoral, traversait la rivière dans un bachot pour aller visiter ses lignes de fond ; comme il arrivait à la hauteur d’une passerelle que l’on a depuis remplacée par un pont suspendu, un cri terrible lui fit relever la tête ; ce double cri avait été poussé par deux dames qu’il aperçut alors sur la passerelle, où elles donnaient les signes d’une indicible épouvante. Voici ce qui était arrivé. L’enfant de la plus jeune des dames, petite fille de cinq ans, était tombée dans l’eau. Comme elle s’appuyait pour examiner le paysage sur une mince perche, déjà rompue, qui formait une rampe de parapet, le bois avait cédé sous le poids de son corps, si léger qu’il fût, avant que celle-ci eût pu la retenir, et elle avait échappé à sa mère. La rivière du Loing n’est pas très profonde ; mais dans l’endroit où l’accident avait eu lieu, le lit, plus resserré, active encore la rapidité de l’eau. L’enfant était déjà à plus de vingt pas lorsque le sabotier s’aperçut de sa chute ; il fit un signe à la mère pour lui indiquer qu’il allait porter du secours à sa petite fille. Protat se trouvait alors au milieu de la rivière et dans une place où elle est, en toute largeur, embarrassée par de hautes herbes tellement serrées, que la navigation du plus frêle batelet n’y est praticable

  1. Voyez la livraison du 15 février.