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en outre les nouvelles arrivées dans la journée. Stuart imagina de faire une seconde et une troisième éditions lorsqu’il recevait trop tard des nouvelles importantes. Les crieurs de son journal remplissaient alors de leurs clameurs les rues de Londres. Lui-même a raconté que le jour de l’assassinat de M. Percival par Bellamy, deux éditions ayant à peine satisfait l’avide curiosité du public, on entendit crier tout à coup une troisième édition du Courrier; avec de nouveaux détails sur l’assassin du premier ministre. Le public s’arracha aussitôt les exemplaires de cette troisième édition, et y trouva pour toute pâture à sa curiosité les deux lignes suivantes : « Nous suspendons à l’instant notre tirage pour annoncer que ce sanguinaire scélérat a refusé de se laisser raser. »

Les journaux du soir perdirent beaucoup de leur importance après la guerre; néanmoins le Courrier demeura une spéculation très-profitable jusqu’au jour où, Stuart s’en étant défait, les nouveaux propriétaires le vendirent au parti tory. Ce changement de politique fut fatal au journal, qui déclina rapidement et finit par périr. Tous les journaux du soir, du reste, sont aujourd’hui en baisse; l’établissement des chemins de fer leur a porté un coup dont ils ne se relèveront pas. Leur grand avantage était de partir le soir par la poste en même temps que les journaux publiés le matin, et d’arriver en même temps que ceux-ci en province, tout en donnant des nouvelles plus fraîches; mais comme la poste n’a pas le monopole des transports en Angleterre, les journaux du matin ont renoncé au bénéfice du transport gratuit que leur assure le timbre; ils s’expédient par les premiers convois du matin, de façon à être distribués dans toutes les grandes villes de province pour l’heure du déjeuner. Ce sont eux par conséquent qui ont aujourd’hui l’avance sur les journaux du soir, et ils ont à peu près expulsé ceux-ci de la province. A mesure que le service des chemins de fer s’étendra, les journaux du soir verront se resserrer leur clientèle jusqu’au jour où ils seront réduits à Londres et à sa banlieue.

Les dix années qui se sont écoulées de 1815 à 1825 ont été l’époque la plus prospère des journaux anglais. On portait alors à 10 millions le capital engagé dans les treize feuilles quotidiennes, savoir : 7 millions dans celles du matin, et 3 millions dans celles du soir; mais il aurait fallu doubler ce chiffre pour avoir la valeur réelle des actions. La propriété du Times était déjà évaluée à elle seule à près de 3 millions, celle du Courrier à 2 millions, celle du Globe à 1,250,000 francs. Aucun journal ne se vendait à cette époque à plus de 7 ou 8,000 exemplaires, la plupart ne dépassaient pas 3,000, et quelques-uns n’atteignaient même pas ce chiffre, puisque le tirage total de la presse quotidienne n’était que de 40,000. Leur revenu était cependant beaucoup plus considérable qu’aujourd’hui. Le Herald valait alors 200,000 francs à son propriétaire, et le Times 500,000; le Star, journal du soir, rapportait 150,000 francs, et le Courrier presque le double. En 1820, Perry retira du Chronicle 300,000 francs nets. Aucun journal, le Times excepté, ne donne aujourd’hui un revenu semblable, malgré le développement qu’a pris la publicité. Les frais des journaux se sont en effet accrus dans une proportion bien plus considérable que la vente et que le produit des annonces. A l’époque dont nous parlons, le format était beaucoup moins grand que maintenant; les journaux paraissaient avec cinq colonnes tant que le parlement siégeait, et ils se réduisaient à quatre colonnes dans l’intervalle des sessions; en outre, les frais de rédaction étaient alors bien