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En France, les terrains cultivés de la moitié septentrionale doivent valoir en moyenne 1,500 francs l’hectare, et ceux de la moitié méridionale 1,000 francs. En évaluant les 8 millions d’hectares de terres incultes à 125 francs, et les 8 millions de terrains forestiers à 600 fr. l’hectare, on trouve pour moyenne générale 1,000 francs.

Ainsi l’examen comparatif des produits agricoles, le chiffre de la population, la valeur vénale des terres, tout se réunit pour prouver, même avec les estimations les plus réduites, que le produit de l’agriculture britannique pris dans son ensemble était, il y a cinq ans, au produit de l’agriculture française, à surface égale, comme 135 est à 100, et qu’en comparant la seule Angleterre à la France entière, la première produisait au moins le double de la seconde. Cette démonstration me paraît avoir acquis le caractère de l’évidence.

L’Irlande elle-même participait à cette grande production ; ses souffrances lui viennent d’autres causes. On évaluait, avant 1848, à près de 600 millions sa production en avoine et en pommes de terre seulement, dont la plus grande partie servait à la nourriture des habitans, et ses exportations pour l’Angleterre en blé et en viande étaient considérables. J’ai donc eu raison de dire en commençant que l’Irlande, à surface égale, produisait plus que notre midi, bien que les deux tiers de son sol seulement soient cultivables.

À ces produits, il faut, pour être complètement exact, en ajouter un autre qu’il est fort difficile d’apprécier, mais qui n’en est pas moins des plus importans : c’est la fertilité qui s’accumule dans le sol par les fumiers, les amendemens, les travaux de toute sorte, quand les récoltes annuelles n’en épuisent pas les effets. C’est pour en tenir compte que la plupart des statisticiens ont été entraînés à mentionner les fourrages, pailles et fumiers, dans les produits ; mais il y a dans cette façon de calculer une exagération évidente, puisque les récoltes absorbent annuellement la plus grande partie de la puissance acquise par ces moyens. Ce qui en reste est le seul produit vrai, mais comment le mesurer ? Un seul élément peut nous l’indiquer avec quelque sûreté : c’est l’augmentation de la valeur du sol ; cette augmentation de valeur peut elle-même être amenée par d’autres causes, mais la plus constante et la plus active est l’accroissement de fertilité qui résulte de la bonne culture. On peut l’évaluer en moyenne, chez nos voisins, à 1 pour 100 de la valeur par an, soit 10 à 15 francs par hectare pour l’ensemble des trois royaumes, et 20 francs pour l’Angleterre proprement dite. En France, il doit être en moyenne de 1/2 pour 100, soit 5 francs par hectare ; dans nos départemens les mieux cultivés, il doit atteindre la moyenne anglaise, mais dans d’autres il est presque nul.

Bien que cette évaluation ne soit et ne puisse être qu’hypothétique,