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« Sa majesté approuve-t-elle la gratification de 2,000 écus que j’ai passée à cette demoiselle pour son trousseau de fille ?

« Réponse du roi : — Oui.

« Lui laisse-t-elle la disposition entière, dans ce cas, de tous ses habillemens virils ?

« Réponse du roi : — Il faut qu’elle les vende.

« Comme ces grâces doivent être subordonnées à de certaines dispositions d’esprit auxquelles je désire soumettre pour toujours la demoiselle d’Éon, sa majesté veut-elle bien me laisser encore le maître d’accorder ou de refuser, selon que je croirai utile au bien de son service ?

« Réponse du roi : — Oui.

« Le roi ne pouvant refuser de me faire donner par son ministre des affaires étrangères une reconnaissance en bonne forme de tous les papiers que je lui ai rapportés d’Angleterre, j’ai prié M. le comte de Vergennes de supplier sa majesté de vouloir bien ajouter au bas de cette reconnaissance, de sa main, quelques mots de contentement sur la manière dont j’ai rempli ma mission. Cette récompense, la plus chère à mon cœur, peut en outre me devenir un jour d’une grande utilité. Si quelque ennemi puissant prétendait jamais me demander compte de ma conduite en cette affaire, d’une main je montrerais l’ordre du roi, de l’autre j’offrirais l’attestation de mon maître que j’ai rempli ses ordres à son gré. Toutes les opérations intermédiaires alors deviendront un fossé profond que chacun comblera selon son désir, sans que je sois obligé de parler ni que je m’embarrasse jamais de tout ce qu’on en pourra dire.

« Réponse du roi : — Bon. »


Ici le sujet du dialogue change. Tant qu’il ne s’est agi que de décider la question de savoir si d’Éon doit porter la croix de Saint-Louis sur ses habits de femme et vendre ses habits d’homme, Louis XVI a des réponses très nettes et très précises ; mais Beaumarchais veut le mener plus loin, et nous verrons qu’il y réussira dans quelques mois. Pour le moment, il est trop pressé et trop pressant. Il passe sans transition de l’affaire d’Éon à l’affaire d’Amérique, et cherche à enlever d’assaut l’adhésion du roi à des plans dont il le poursuit depuis quelque temps. Louis XVI se tient sur la réserve, et ses réponses changent de couleur. Le sens de ce qui suit sera expliqué nettement quand nous traiterons de l’influence de Beaumarchais dans la question américaine ; mais, comme tout ce dialogue écrit est contenu dans la même lettre, nous n’avons pas cru devoir le scinder, de peur de lui ôter de sa physionomie. Nous continuons la citation.


« Comme la première personne que je verrai en Angleterre est mylord Rochford, et comme je ne doute pas que ce lord ne me demande en secret la réponse du roi de France à la prière que le roi d’Angleterre lui a fait faire par moi, que lui répondrai-je de la part du roi ?

« Réponse du roi : — Que vous n’en avez pas trouvé.

« Si ce lord, qui certainement a conservé beaucoup de relations avec le roi