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des Indes néerlandaises. Elle exporte chaque année de Java pour près de 3 millions de francs. En échange des produits qu’elle achète, elle ne livre, il est vrai, qu’une valeur d’environ 1,200,000 francs ; mais ces riches colonies ont des habitudes de luxe et d’élégance qui ne peuvent manquer de rétablir un jour l’équilibre des relations que nous entretenons avec elles[1].

La journée que nous consacrâmes à parcourir le district de Pondok-Guédé nous offrit plus d’un genre d’intérêt. Nous trouvâmes sur le même terrain un échantillon de toutes les cultures nouvelles et le type le plus complet des grandes existences que l’aliénation du domaine public a créées dans l’intérieur de Java. Des champs à défricher, des usines à conduire, tout un peuple d’ouvriers et de cultivateurs auquel il faut chaque matin mesurer sa tâche ou distribuer son salaire, voilà le côté positif de la vie créole. C’est celui qui séduirait le moins l’imagination du voyageur ; c’est, il est vrai, celui qui frappe le dernier ses regards. Ce que le touriste aperçoit tout d’abord, Ce sont les jardins remplis d’ombre et les salons tout embaumés de fleurs ; ce sont les serviteurs empressés, les voitures sous les hangars, les bestiaux dans les étables, les chevaux qui hennissent aux mangeoires. La chasse avec une armée de piqueurs ou les courses à travers la campagne, les charmes de la rêverie ou les plaisirs de la table, tout est là, tout se trouve réuni dans la même demeure. Le voyageur enivré est tenté de se croire sous le toit d’un prince : il envie ce bien-être et cette noble élégance, sans s’inquiéter du prix auquel on les achète ; mais dès qu’il pénètre plus avant dans les secrets de cette vie somptueuse, il comprend mieux les sacrifices qui en sont inséparables, et n’hésite plus à reconnaître qu’à Java comme ailleurs la fortune n’a jamais récompensé que le travail et la persévérance.

L’industrie privée peut revendiquer sa part dans les récens progrès et dans la prospérité commerciale des Indes néerlandaises. L’aliénation d’une portion du domaine public à Java, bien mie singulièrement onéreuse au trésor, ne mérite donc point de sérieux regrets. Il importe

  1. On peut même affirmer déjà que ce sont moins les intérêts de notre industrie que ceux de notre navigation qu’il s’agit de préserver à Java d’une concurrence fâcheuse. Nous avons pu voir plus d’une fois, pendant nom séjour dans les Indes, des cargaisons presque entièrement composées de produits français qui avaient emprunté, pour y arriver à moins de frais, le pavillon des États-Unis ou celui de la Hollande. C’est ainsi qu’un navire de Rotterdam, le Wilhem, appartenant à un armateur hollandais, M. van Hohoken, apporta dans le port franc de Macassar, au mois de juillet 1849, une cargaison presque exclusivement achetés à Bordeaux, — provisions de bouche, vins lins et vins ordinaires. — Ce même navire emporta de Macassar, comme cargaison de retour, plus de 100 tonneaux de nacre et d’écaille de tortue qui auront été, en grande partie, achetés en Hollande par l’industrie française. Avant de souhaiter pour la France des relations plus actives avec l’archipel indien, il faudrait, s’il était possible, lui créer avec ces lointains parages des relations plus directes.