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L’école militaire de West-Point allait assez mal quand en 1817 elle fut reformée sur le modèle de notre École polytechnique. Elle en diffère sur deux points : l’instruction n’y est pas aussi forte, et elle est véritablement une école militaire. Le principal reproche à faire, selon moi, à L’organisation de cet établissement, porte sur le mode d’admission. Au lieu d’être motivée par des examens, l’entrée est obtenue par la faveur. Chacun des membres du congrès peut disposer d’une place d’élève. Nos examens, auxquels tous les concurrens sont admis sur un pied de parfaite égalité, sont beaucoup plus démocratiques dans la meilleure acception du mot. En outre il résulte d’un tel système que les jeunes gens de West-Point ne peuvent, dans le principe, suivre que des cours élémentaires, ce qui, joint à leurs exercices militaires, ne permet pas que, même en restant quatre ans à West-Point, c’est-à-dire le double du temps qu’on passe à l’École polytechnique, ils arrivent au même degré de force dans les diverses branches d’étude auxquelles ils s’appliquent. La première réforme à opérer dans l’organisation de l’école de West-Point serait donc d’enlever aux membres du congrès ce déplorable patronage, et de recevoir les élèves par la voie du concours, ce qui permettrait d’exiger d’eux un degré supérieur d’instruction préliminaire et de réserver plus de temps pour les hautes études ; mais on aura de la peine à obtenir le sacrifice de ce privilège, bien qu’il soit de sa nature tout à fait analogue aux privilèges aristocratiques, à celui par exemple qui autorise certains grands seigneurs anglais à disposer d’une commission dans leur régiment ou d’une cure dans leur paroisse.

Cela dit sur le mode d’admission, tout ce que j’ai vu de l’école m’a donné l’idée qu’elle était montée sur un pied très respectable. Dans leurs élablissemens d’instruction, les Américains montrent les qualités qui leur sont propres, — les qualités d’un peuple d’hommes d’affaires, l’exactitude, l’ordre, la régularité, l’économie de temps. J’ai assisté à plusieurs classes ; les jeunes gens s’étaient préparés sur un chapitre de l’ouvrage qui sert de base à l’instruction dans le département particulier de leurs études, et qui est en général rédigé d’après des ouvrages français qu’on oublie quelquefois de citer ; ils venaient s’asseoir sur des bancs dans une salle ; le professeur en désignait quelques-uns pour tracer les figures de géométrie, les dessins des appareils de physique, ou les plans de fortifications sur le tableau. Pendant qu’un élève était interrogé, les autres écoutaient leur camarade, ou achevaient de tracer des figures. Ils se succédaient ainsi, tour à tour auditeurs attentifs, tour à tour démontrant et exposant ce qu’ils avaient étudié ; leur tenue était très bonne, simple et ferme, leur attitude militaire. Ils m’ont semblé en général bien savoir et bien comprendre ce qu’ils disaient. Le professeur, très attentif et les