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— « Brave homme, apprenez-moi toute la vérité,
Suis-je veuve ? » — La nuit dans cette anxiété
Se traîna sous un ciel sans lune et sans étoiles.
Grâce à Dieu cependant vinrent toutes les voiles ;
Tous les foyers brillaient. Un seul avait ses bancs
Vides et désolés : celui des Colombans.

Mais toi, femme de Coulm, tu combattais l’orage !
Debout sur les rochers, poursuivant ton ouvrage,
Vers l’est, vers l’occident, vers le septentrion,
Vers le sud, tu jetais une incantation :

i.


« Allez contre les vents, allez, sainte poussière,
Je suis une chrétienne et ne suis point sorcière :
Aux regards de la lampe où j’allumai le feu,
Ma main vous recueillit dans la maison de Dieu.

ii.


J’ai pour vous des vieux saints essuyé les statues,
Leurs bannières de soie aux piliers suspendues,
Et les sombres tombeaux que les fils laissent seuls,
Mais que vous revêtez avec vos blancs linceuls.

iii.


Allez contre les vents, allez, sainte poussière !
Née aux pieds des chrétiens, vous n’êtes point grossière :
Des marches du portail aux marches de l’autel,
Je croyais m’avancer par un chemin du ciel.

iv.


Car sur vous ont marché les diacres et les prêtres,
Les pèlerins vivans et les morts nos ancêtres ;
Fleurs des bois, grains d’encens, reliques des parvis,
Demain vous me rendrez mon époux et mes fils ! »

Comme elle se taisait, voici venir vers elle
Quatre pêcheurs sortant pieds nus de la chapelle ;