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ne vient déranger les combinaisons financières, du gouvernement. Malheureusement il y a toujours l’imprévu, — Imprévu en moins dans les recettes et en plus dans les dépenses. Le rapport du conseil d’état fait lui-même mention d’une mesure qui pourrait moduler cet équilibre, si laborieusement obtenu, Si elle se réalisait en 1854 : c’est l’établissement des ligues de navigation transatlantique. Dans son ensemble, au reste, le budget de 1854 se rapproche de celui de 1853 ; seulement les recettes y sont portées avec une augmentation de 69 millions que le gouvernement attend du mouvement naturel de la richesse publique. Quant aux dépenses, la principale économie provient de la réduction de l’armée, qui est de 50,000 bommes ; il en résulte une diminution de prés de 20 millions dans le budget de la guerre. D’un autre côté, le budget du ministère des travaux publics s’élève de 19 millions, appliqués à l’établissement de lignes de fer, à des garanties d’intérêt ou à des subventions en faveur des compagnies. Le corps législatif est maintenant saisi de ce projet. C’est la fortune de la France qu’il a sous les yeux résumée en quelques chiffres. On a parlé de quelques réductions nouvelles de dépenses qu’il pourrait proposer. Quelque restreintes que soient ses prérogatives par la manière dont le budget est voté et par les formalités sévères dont ses discussions et ses propositions sont entourées, c’est cependant son droit et sa mission naturelle de porter une attentive investigation sur tous les élémens de notre situation financière. Si le gouvernement a l’administration publique, dans toute sa plénitude et dans toutes ses branches, le corps législatif a le contrôle de nos finances ; et même, après la longue élaboration du conseil d’état, il lui reste son œuvre à accomplir, œuvre ingrate peut-être, mais sérieuse encore.

Du reste, pourquoi se le dissimuler ? Ce n’est point au corps législatif qu’on peut aller chercher aujourd’hui l’animation et la vie. Nous la montrions tout à l’heure dans une discussion élevée en dehors de toute assemblée politique et touchant aux plus intimes conditions de la société moderne. C’est dans des discussions semblables, c’est dans tous les incidens de la vie intellectuelle que se reflète le mieux sans doute le mouvement contemporain.

Il est dans la destinée de cette vie de l’intelligence de chercher toujours à renaître de tous les côtés, de garder son attrait à travers tous les mécomptes. Quand on la croit épuisée, elle se rajeunit, elle si multiplie, elle s’alimente à toutes les sources et prend toutes les formes, — poésie, critique, histoire des choses littéraires, œuvres de théâtre. Que devient la poésie particulièrement ? Rien ne serait plus curieux que de suivre la poésie depuis vingt ans, de voir comment finit un règne poétique plein de promesses et d’éclat, comment tous ces domaines fécondés par des génies ou des esprits éminens se morcelant, comment à l’inspiration débordante et assurée succèdent les tâtonnemens et l’incertitude : période singulière, toute remplie d’imitations, de tentatives artificielles, de recherches ardentes, pour retrouver la nouveauté. Bien des influences se sont fait jour depuis vingt ans dans la poésie et ont eu leur moment de règne. Au milieu de ce travail, n’aperçoit-on pas comme une tendance qui se dessine et suit son cours, une sorte de retour vers l’antiquité, — retour qui a produit plus d’un essai, et qui a eu son influence même au théâtre ? C’est à cette tendance qu’appartient un livre qui a paru sous ce titre : Poèmes antiques. Chose à remarquer, voici un petit volume qui est