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ultérieures, dans le cas où la dynastie de Guksbourg vieillirait à s’éteindre. Cette faculté cependant ne parait point aux Danois de nature à assurer suffisamment leur indépendance dans une pareille éventualité, c’est une des questions sur lesquelles la nouvelle chambre est appelée à se prononcer.

Si l’affaire de la ligne des douanes a une extrême importance pour l’organisation intérieure du royaume, l’affaire de la succession n’a point une importance internationale moins grande. L’une et l’autre ont été récemment l’objet d’une publication curieuse qui a pour titre l’Assemblée nationale et le Ministère ; c’est une défense acerbe de l’attitude que l’assemblée a prise vis-à-vis du ministère. Cette publication, l’on ne peut se le dissimuler, représente assez exactement les passions et les inquiétudes de l’opinion. Le ministère néanmoins, qu’elle attaque avec vivacité, se maintient depuis un an à la faveur d’une considération qui n’a rien sans doute de consolant, mais qui ne manque pas de gravité. En présence de la situation que les puissances allemandes ont faite au Danemark avec l’assentiment de la Russie, on s’est demandé s’il serait possible au ministère danois de suivre une politique plus dégagée des influences étrangères. Jusqu’au rejet de la loi sur la ligne des douanes, les chambres ont subi avec résignation la dure nécessité des concessions qui pèse ainsi sur ce peuple digne d’un meilleur sort. Ce vote et l’agitation que suscite la réserve faite en faveur de la famille de Holstein-Goltorp dans l’affaire de la succession attestent cependant combien cette résignation coûte au pays.

Aux États-Unis, le général Pierce est entré en fonctions le 4 mars, et de mémoire d’Américain on n’avait jamais vu une foule plus nombreuse, plus pressée, plus enthousiaste que celle qui était accourue à Washington de toutes les parties de l’Union pour assister à l’inauguration du nouveau président. L’affluence était si grande, que le Capitule a dû être transformé en caravansérail, et que les rues de Washington ont été encombrées de promeneurs et de rôdeurs de nuit inaccoutumés, de gentlemen et de ladies qui n’ont pas craint, malgré l’intempérie de la saison, d’errer toute la nuit comme de simples mendians irlandais. Les incidens qui ont signalé l’inauguration du nouveau président ne sont pas moins caractéristiques que son message ; l’enthousiasme et les bravos de cette foule, qui jamais n’avait été plus bruyante, et plus ardente, indiquent assez que ce n’était pas seulement un nouveau président qu’on installait le 4 mars, mais une nouvelle politique qu’on acclamait et qu’on saluait. Avant même son entrée en fonctions, le général Pierce a accompli deux petites révolutions dans le serment exigé par la constitution et dans les formes et les rites de l’installation : il n’a pas juré, mais il a affirmé qu’il exécuterait fidèlement les devoirs qui lui étaient imposés par la loi fondamentale, et, au lieu de baiser la Bible, il a tenu sa main droite étendue au-dessus d’elle pendant qu’on lisait la formule du serment. Les gens superstitieux et qui aiment à voir dans les petits événemens les signes avant-coureurs des grandes choses et des grands changemens auraient pu tirer déjà de ces deux faits un mauvais présage pour les destinées de la politique traditionnelle de l’Union, si le message n’avait pas pris soin de dissiper toutes les conjectures et d’épargner leur peine à ceux qui aiment à en faire. Le message du président est très hardi sans doute ; mais ce qui nous étonne, c’est qu’il ne le soit pas davantage, il est même relativement modéré. Il est vrai que cette