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on trouvât aujourd’hui un pareil résultat. À la même époque, la moyenne des salaires ruraux était de 7 shillings 3 deniers ou 9 francs par semaine, soit 1 franc 50 cent, par jour de travail, et sur beaucoup de points elle montait jusqu’à 9 et 10 shillings ou 2 francs par jour. Il est encore douteux que, même dans la meilleure moitié de la France, les salaires ruraux soient en ce moment aussi élevés, et le prix des denrées alimentaires était alors en Angleterre plutôt au-dessous qu’au-dessus de ce qu’il est en France. La valeur des propriétés bâties s’élevait, d’après le docteur Beeke, à 200 millions sterl. ou 5 milliards ; celle des terres, d’après la même autorité, à 600 millions sterling ou 15 milliards, soit 1,000 francs par hectare, et à ce prix elles donnaient un revenu moyen de 4 pour 100.

Tels étaient les fruits d’un siècle de développement libre et régulier, malgré quelques désastres partiels comme la guerre d’Amérique. Dans le demi-siècle qui a suivi, de 1800 à 1850, la population a encore doublé, et la production agricole a suivi presque la même progression, malgré l’effroyable lutte qui a rempli les quinze premières années. Non-seulement c’est l’Angleterre constitutionnelle qui a fini par vaincre le despotisme et le génie armés de toutes les forces d’une nation plus nombreuse et infiniment plus guerrière, mais l’accroissement paisible de la richesse intérieure n’a pas été sensiblement retardé par la violence du combat. Jamais les bills d’inclosure pour la mise en valeur des terres incultes n’avaient été plus nombreux que pendant la guerre contre la France ; c’est le temps où l’assolement de Norfolk a fait ses plus grandes conquêtes, où les doctrines de Bakewell et d’Arthur Young se sont généralisées, où le duc de Bedfbrd, lord Leicester et plusieurs autres ont tiré un si heureux parti de la grande propriété.

L’Ecosse et l’Irlande avaient moins prospéré en 1798, parce qu’elles avaient été moins bien gouvernées. Pitt évaluait la richesse de l’Ecosse à un huitième de celle de l’Angleterre. La Haule-Ecosse ne devant figurer à peu près pour rien dans ce calcul, ce serait pour la Basse-Ecosse une moyenne de 22 francs pour la rente et de 12 francs pour le profit par hectare. L’Ecosse ne jouissait d’un peu d’ordre et de liberté que depuis cinquante ans. Jusqu’à la bataille de Culloden, en 1746, elle n’avait été qu’un camp. Depuis 1800, c’est-à-dire depuis qu’elle s’est associée plus intimement à la vie anglaise, c’est peut-être la partie de la Grande-Bretagne qui a fait les progrès les plus merveilleux, sans en excepter la Haute-Ecosse, dont la transformation a été complète. Dans l’une et l’autre partie, la population a doublé, et son bien-être moyen s’est encore plus accru.

Quant, à l’Irlande, il suffira de rappeler ici, pour le sujet qui nous occupe, que cette île contient en quelque sorte deux peuples distincts,