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même y gagne sensiblement ; la santé des hommes devient meilleure, et, partout où un drainage énergique a été pratiqué, les brouillards de l’île brumeuse semblent moins épais et moins lourds. Il y a dix ans qu’on a parlé du drainage pour la première fois, et un million d’hectares au moins est aujourd’hui drainé ; tout annonce que, d’ici à dix ans, l’Angleterre presque entière le sera. L’île semble sortir des eaux une nouvelle fois.

La seconde amélioration générale qui datera de ces dernières années est un nouveau progrès dans l’emploi des machines, et en particulier de la vapeur. Il y a cinq ans, très peu de fermes possédaient une machine à vapeur ; on peut affirmer encore que, dans dix ans, celles qui n’en auront pas seront l’exception. De tous les côtés, on voit dans les champs s’élever et fumer des cheminées. Ces machines servent à battre le blé, à hacher les fourrages et les racines, à broyer les céréales et les tourteaux, à élever et à répandre les eaux, à battre le beurre, etc. ; leur chaleur n’est pas moins utilisée que leur force, et sert à préparer les alimens des hommes et des animaux. D’autres machines à vapeur sont mobiles ; elles se louent de ferme en ferme comme un ouvrier pour faire la grosse besogne. On a inventé de petits rail-ways portatifs dont on se sert pour conduire les fumiers dans les champs et pour rapporter les récoltes. Des machines à faucher, à faner, à moissonner, à défoncer, sont à l’essai. On a même entrepris de labourer à la vapeur, et on ne désespère pas d’y réussir. On s’attache à fouiller le sol à des profondeurs inouïes jusqu’ici, afin de donner à la couche arable infiniment plus de puissance. Partout le génie mécanique cherche à transporter dans l’agriculture les prodiges qu’il a réalisés ailleurs.

Jusqu’ici, les nouveaux procédés ne sont que des applications nouvelles d’anciens principes ; mais voici qui est en opposition avec toutes les habitudes et qui rencontre plus de résistances. J’ai dit combien la nourriture des animaux au pâturage était estimée des cultivateurs anglais : l’école nouvelle supprime le pâturage du bétail et le remplace par la stabulation permanente ; mais cette stabulation perfectionnée diffère autant de la stabulation imparfaite usitée sur le continent que le pâturage cultivé différait du patinage grossier de nos régions pauvres. Rien n’est plus hardi, plus ingénieux, plus caractéristique de l’esprit d’entreprise des Anglais, que le système actuel de stabulation tel qu’il a été pratiqué d’abord dans la région argileuse par les novateurs, et qu’il tend à se répandre partout.

Qu’on se figure une étable parfaitement aérée, le plus souvent en planches à claire voie, avec des nattes de paille qui s’élèvent ou s’abaissent à volonté pour défendre au besoin les animaux du vent, du soleil et de la pluie. Les bœufs, qui appartiennent en général à la race à courtes cornes dite de Durham, y sont enfermés, sans être attachés,