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dans des loges où ils vivent depuis leur naissance jusqu’à leur mort. Sous leurs pieds est un plancher percé de trous, qui laisse tomber leurs déjections dans une fosse creusée au-dessous ; auprès d’eux est une eau abondante dans des auges de pierre, et dans d’autres auges de la nourriture à discrétion. Cette nourriture se compose, tantôt de racines coupées, de féveroles broyées, de tourteaux concassés, tantôt d’un mélange de foin et de paille hachés et d’orge moulu, le tout plus ou moins cuit dans de grandes cuves chauffées par la machine à vapeur et fermenté pendant quelques heures dans des coffres fermés. Cette alimentation extraordinaire, dont l’aspect confond un agriculteur français, les fait grandir et engraisser avec une extrême rapidité. Les vaches laitières elles-mêmes peuvent être soumises à cette réclusion : on voit déjà des exemples de stabulation jusque dans les comtés les plus renommés par leurs pâturages, comme ceux de Chester et de Glocester ; on les y nourrit au vert, et on redouble de soins pour que les étables soient parfaitement aérées, parfaitement éclairées, parfaitement propres, chaudes en hiver, fraîches en été, à l’abri de toutes les variations de température et de tout ce qui peut agiter et troubler les vaches, qui y vivent, dans un bien-être perpétuel, extrêmement favorable à la sécrétion lactée.

Le fumier qui s’accumule dans la fosse n’est mêlé d’aucune espèce de litière ; on a pensé qu’il était beaucoup plus profitable de faire manger la paille par les animaux. Ce fumier est d’ailleurs très riche à cause de la quantité de matières grasses contenues dans la nourriture donnée, et dont une partie n’est pas assimilée par la digestion, malgré tous les efforts faits pour les rendre essentiellement assimilables. On ne l’enlève que tous les trois mois, quand on a besoin de s’en servir ; en attendant, il n’est ni lavé par la pluie, ni brûlé par le soleil, comme le sont trop souvent les tas de fumier exposés au grand air dans les cours de ferme ; une légère addition de terre ou d’autres absorbans empêche ou ralentit le dégagement de l’ammoniaque et sa déperdition dans l’atmosphère. On est frappé, en entrant dans ces étables, de n’y sentir aucune odeur. Le fumier y conserve tous les élémens fertilisans qui se volatilisent ailleurs et qui empoisonnent l’air respirable au lieu de féconder le sol. On l’emploie, tantôt à l’état solide pour les céréales, tantôt à l’état liquide pour les prairies ; après l’avoir préalablement mélangé d’eau.

Les cochons, comme les bœufs, sont nourris sans sortir, dans des loges fermées et sur des planchers percés ; leur alimentation est la même. Les moutons seuls sortent encore, mais on les cloître aussi tant qu’on peut. On ne s’est pas encore aperçu que cette séquestration rigoureuse eût aucun effet fâcheux sur la santé des uns et des autres ; pourvu qu’ils jouissent dans leur prison d’un air constamment