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développement du traité de Nankin : ce sera peut-être la cession d’une ou de deux provinces et le commencement du démembrement de la Chine. Selon l’importance de ce que les États-Unis auront arraché au Japon, l’Angleterre se montrera plus ou moins exigeante avec les Chinois, non pas pour les humilier, car elle les méprise, mais pour faire plus dans ces parages, pour continuer d’y être un plus grand personnage que les États-Unis, dont l’importune et taquine rivalité est pour elle aussi irritante dans la forme que dangereuse dans le fond.

Autrefois, c’était la France qui tenait le premier rang dans les préoccupations de l’Angleterre ; aujourd’hui, les États-Unis ont pris sa place. Comme voisins de ses possessions de L’Amérique du Nord, il n’est pas de mauvais tours qu’ils ne lui jouent incessamment S’ils ne se posent pas en qualité de sympathiseurs (le mot est d’eux), et s’ils renoncent à organiser l’insurrection dans les Canadas, ils organisent la contrebande sur la plus grande échelle, ou bien ils vont s’établir sur le territoire anglais, ou bien encore ils empiètent sur les pêcheries anglaises, et, avec ce mélange d’audace et d’habileté qui les caractérise, ils s’arrangent toujours de telle façon que l’Angleterre, pour ne pas risquer une guerre qui s’étendrait sur tous les points du monde et lui coûterait des sacrifices immenses, finit par céder. Elle cède, mais comme ferait un homme bien élevé qui, assailli le soir, dans un carrefour désert, par une bande d’ivrognes ou de gens de vie suspecte, leur abandonnerait, plutôt que de se commettre avec eux, sa bourse ou son manteau, si bien que la démocratie américaine, après avoir emporté le morceau, crie encore, à l’insulte. Comme concurrens dans tous les pays indépendans des deux Amériques, les États-Unis sont déjà parvenus à éclipser, à supplanter le commerce anglais. Cela est vrai au Mexique, qu’ils sont en train de dévorer, comme à la Havane, que les états du sud convoitent si ardemment, au Pérou connue au Brésil, dans la Plata comme au Chili. Dans l’Océan Pacifique, où le commerce et les navigateurs anglais ont régné pendant plus d’un demi-siècle, la prépondérance est acquise aujourd’hui d’une manière définitive au pavillon des États-Unis. Le groupe si important des îles Sandwich leur appartient de fait ; leurs missionnaires, exclusivement subventionnés par des souscriptions volontaires, sont répandus dans la plupart des autres archipels de cette mer, où ils préparent la domination de leur pays. Il n’est pas jusqu’aux Mormons, qui, du fond de leur établissement d’Utah, perdu au milieu des déserts de l’Amérique du Nord, n’entretiennent des missionnaires à Tahiti, aux îles des Navigateurs, aux îles Fidji, etc. Dans l’Océan Pacifique, la navigation des États-Unis est à elle seule plus considérable que celle des autres peuples ensemble.