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le parlement ou dans le congrès, il pleuvra des brochures et des pamphlets, il coulera des flots d’encre, on fera peut-être des armemens dispendieux ; mais la diplomatie, qui a cela de bon du moins qu’elle laisse peu de place aux explosions soudaines et aux décisions précipitées, mêlera à l’ardeur du débat le calmant de ses formalités et de ses protocoles. Emporté par un mouvement dont il ne sera pas le maître et qu’il pourra tout au plus diriger, le général Pierce rouvrira la carrière aux conquérans de la race anglo-saxonne, et l’Angleterre, qui criera avec raison a la violation du droit, souffrira cependant dans son bon sens ce qu’aucune puissance humaine ne saurait plus empêcher.

En effet, le mouvement qui entraîne les États-Unis vers le sud a acquis aujourd’hui une force d’impulsion irrésistible, depuis surtout que la possession de la Californie a fait pour eux d’une communication rapide entre les deux océans un pressant besoin, une nécessité populaire. De droit à s’agrandir de ce côté, ils n’en ont aucun, et on ne saurait le dire trop hautement par le temps qui court et avec les doctrines que l’on cherche à accréditer ; tout ce que l’on peut leur reconnaître, c’est qu’en suivant cette pente ils n’obéissent pas à de honteuses convoitises et au grossier désir de s’emparer du bien d’autrui. Ils cèdent à un instinct d’ambition nationale, à un sentiment d’avenir qui fait sentir au plus humble citoyen que la grandeur de l’Union, pour être fondée sur ses véritables bases, doit être assise sur les deux mers et communiquer de l’une à l’autre sans avoir à emprunter le territoire de l’étranger ou à traverser d’interminables déserts. À compter non pas de New-York, mais de leurs établissemens les plus avancés dans l’ouest, de l’état de Missouri jusqu’à la vallée du Sacramento, les États-Unis sont encore, sur le territoire qui leur appartient légitimement, séparés de la mer Pacifique par une distance de plus de cinq cents lieues, sur laquelle le voyageur ne rencontre de terres défrichées qu’aux environs du grand lac Salé, dans la petite oasis des Mormons. Le reste, c’est-à-dire la presque totalité, appartient aux derniers débris des tribus indiennes, aux animaux sauvages, à la solitude. Or, quelle que soit la puissance de colonisation des États-Unis, il faudra, et ils le savent bien, de longues années avant que cet espace, aussi vaste que celui qu’ils ont déjà peuplé, soit ajouté au domaine de la civilisation. C’est d’ailleurs malheureusement, pour une portion assez notable, un pays qui repousse plutôt qu’il n’attire le pionnier, et lors même que l’émigration prendrait cette direction, elle laisserait toujours des lacunes considérables sur lesquelles elle ne s’établirait pas. À mesure qu’en faisant route vers l’ouest on s’éloigne de la vallée du Mississipi, le terrain, qui va sans cesse en s’élevant jusqu’aux sommets couverts