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de neiges perpétuelles des Montagnes-Rocheuses, devient à chaque pas plus difficile et moins fertile jusqu’à ce que l’on redescende par le versant occidental de la Sierra-Nevada dans la vallée du San-Joaquim et du Sacramento. Outre leur élévation, qui est déjà un obstacle redoutable, la configuration de ces chaînes de montagnes est si tourmentée, que, sur beaucoup des points où on les a reconnues, elles ont semblé inaccessibles aux explorateurs ou coupées seulement par des ravins à pic, par des déchirures abruptes, des cañones sans issue, véritables réservoirs de neiges où il pérît chaque année bon nombre des émigrans qui se rendent en Californie par la route des prairies. Ce sont d’admirables remises pour le gibier, pour les daims, les buffles, les bisons, qui attirent le trappeur sur leur piste ; mais le jour est encore bien éloigné où le pionnier viendra construire sa cabane dans ces régions impraticables. Le colonel Fremont, chargé par le gouvernement d’explorer les routes de l’Orégon et de la Californie, a côtoyé pendant plus d’un mois, en partant de l’Orégon, le versant oriental de la Sierra-Nevada, dans le grand désert d’Utah, avant de trouver une issue pour déboucher en Californie. Pourvu de tous les moyens qui pouvaient adoucir les fatigues de ce voyage, suivi de gens faits depuis longtemps à la rude vie du trappeur et à la rigueur de ces climats, il a vu succomber une partie de ses compagnons, et parmi ceux qui ont résisté, deux sont devenus fous par suite des souffrances qu’ils avaient endurées. Le lieutenant Stanbury, chargé après lui d’aller faire le lever topographique du pays où les Mormons se sont établis, nous apprend dans son Journal qu’arrivé pendant le mois d’août à la Passe du Sud dans les Montagnes-Rocheuses, — c’est-à-dire en suivant la route la plus facile qui soit encore connue pour passer des prairies dans le bassin du lac Salé, — il voyait le thermomètre descendre toutes les nuits au-dessous du point de congélation.

Il faudra du temps, beaucoup de temps avant que de pareils pays soient occupés par la civilisation, avant qu’elle les ait défrichés ou appropriés à son usage, avant qu’elle y ait du moins établi ou construit les routes et les chemins de fer que les États-Unis rêvent déjà cependant, dont M. Asa Whitney, le colonel Benton, M. Gwinn, M. Rucks, etc., ont déjà proposé d’entreprendre les travaux, mais qui font encore reculer la hardiesse des spéculateurs même américains. Pour des gens pressés de jouir, comme ils le sont, des avantages extraordinaires qu’ils se promettent de l’existence d’un moyen de communication rapide entre les deux océans, c’est donc encore hors de chez eux que les américains de l’Union sont obligés de l’aller chercher, car ces mêmes chaînes de montagnes qui leur font obstacle du côté des prairies se prolongent au nord et au sud bien au-delà de