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leur territoire. Aussi plus vivement elle désire, et plus il est difficile à la démocratie américaine de ne pas porter des regards de plus en plus avides sur ces terres qui, du Texas à l’isthme de Darien, s’étendent au midi de ses possessions sous la forme d’un triangle dont le sommet, baigné par les deux mers, finit par n’avoir pas cinquante milles de large. C’est là que les États-Unis veulent arriver, c’est vers ce point qu’ils se sont mis en marche depuis le jour de leur indépendance, depuis vingt ans surtout, et l’annexion du Texas, le démembrement du Mexique, l’achat de la Californie, les insurrections qu’ils ont fomentées sur leur frontière du sud, depuis le Rio-Grande jusqu’au Gila, les bandes d’aventuriers qu’ils ont lancées dans le Nouveau-Léon, dans la Sierra-Madre et ailleurs, les querelles et les discussions de tout genre qu’ils se sont ménagées avec la confédération mexicaine, témoignent de l’énergie et de la persévérance avec laquelle ils marchent à leur but pendant la paix comme pendant la guerre.

D’ailleurs tout convie le général Pierce à faire sentir de ce côté la puissance de son gouvernement. Ce n’est pas seulement l’ambition de son parti et la nécessité de sa position qui l’y pousse, les événemens qui s’accomplissent sur le territoire encore libre, mais désolé du Mexique, n’appellent que trop fatalement l’intervention étrangère, le secours d’un bras vigoureux pour rétablir quelque semblant d’ordre et de légalité, si l’on ne vont pas que la société elle-même succombe. De tous les enseignemens que nous donne l’histoire, il n’en est peut-être pas de plus éclatant et de plus solennellement consacré par l’expérience que celui du sort auquel sont voués les états tombés dans l’anarchie. Tous ils ont toujours perdu leur indépendance, et sont devenus la proie de leurs voisins, plus forts et souvent moins civilisés qu’eux. C’est le destin de la Grèce au temps de Philippe, des républiques italiennes, qui ne se sont pas relevées depuis le moyen âge, de l’Irlande, absorbée par l’Angleterre, de la malheureuse Pologne ; c’est le destin qui sans doute menace aussi le Mexique. Jadis il semblait frappé d’une maladie de langueur qui promettait tout au moins une longue agonie ; mais depuis que les États-Unis ont franchi les déserts qui les séparaient, depuis qu’ils lui ont arraché les solitudes du Texas pour en faire un des états de l’Union, tout s’écroule et se dissout à leur fatal contact. Aujourd’hui le désordre est à son comble, ce n’est pas la guerre civile, c’est la fin de tout dans un pays privilégié de la nature et doté de tous les avantages, de toutes les richesses que l’imagination pourrait rêver pour un grand empire. Des rivages de la vieille Californie jusqu’au Yucatan, du Nouveau-Léon jusqu’à Tehuantepec, dans tous les états qui font encore partie de ce qui s’appelle la confédération mexicaine, c’est partout le même