Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui à fournir pour se rendre à Canton et à Singapore, un avantage comparatif de 2,000 et de 1,100 milles marins ; pour Calcutta, ils auraient réduit la différence à 500 milles marins seulement. Dans les trois premiers cas, l’Angleterre verrait pour elle les distances abrégées de 3,000 et de 6,500 milles marins ; mais elles seraient aussi réduites pour New-York, de 5,130, de 7,900 et de 11,000 milles marins, et l’avantage, qui est aujourd’hui pour l’Angleterre de 1,500 milles marins sur les trois points, se changerait en une différence contre elle de 4,500 milles marins. Or, si l’on compte (ce qui est certainement exagéré) 200 milles en bonne route comme la moyenne de marche par jour des clippers d’aujourd’hui, on verra que dans ces lointaines traversées, toutes choses égales d’ailleurs, et la construction des navires et l’habileté des marins, les États-Unis, qui ont maintenant partout le désavantage d’une plus longue distance à parcourir, gagneraient au contraire une avance comparative de plus de vingt jours pour toutes leurs relations avec l’Océan Pacifique, de quinze jours avec Canton, de cinq ou six jours avec Singapore. L’établissement du chemin de fer de l’isthme et la concentration des services de bateaux à vapeur à Chagres d’un côté et à Panama de l’autre ont déjà détourné, surtout au bénéfice des États-Unis, les passagers et les correspondances qui cheminaient lentement jadis par la route pénible du cap Horn ; qu’adviendrait-il si l’ouverture d’un canal navigable affranchissait les marchandises de la nécessité de transbordemens plus coûteux que la durée du voyage, et qui les forcent encore aujourd’hui à suivre l’ancienne route[1] ?

Or il est un petit pays qui jusqu’à ces derniers temps a passé pour

  1. Nous avons raisonné dans l’hypothèse de l’égalité de vitesse pour les deux marines, mais de fait cette égalité n’existe pas, et l’avantage appartient aux États-Unis. Sur toutes les lignes où les opérations des deux marines rivales peuvent être soumises à un travail de comparaison, les Américains battent les Anglais, tant pour la navigation à voiles que pour la navigation à vapeur. Ainsi nous avons sous les yeux des tableaux comparatifs de tous la voyages accomplis par les paquebots à vapeur anglais et américains sur la ligne de Liverpool à New-York pendant le dernier semestre de l’année 1851 et les onze premiers mois de 1852 ; ils donnent incontestablement la victoire aux Américains. De même on a pu lire dans le numéro du Times du 2 mars une lettre d’un correspondant anglais de Californie qui, étudiant la question sur les voyages accomplis par les navires des deux nations d’Angleterre ou de New-York à San-Francisco, arrivait à produire pour moyenne de la durée des voyages faits sur ce parcours par les bâtimens anglais, y compris les clippers, pendant l’année 1852, le chiffre de 205 jours, et pour les navires américains pendant le second semestre de la même année, mais non compris les clippers, le chiffre moyen de 151 jours ; quant aux clippers, leur moyenne était de 110 jours seulement. Or il ne faut pas oublier que la nécessité de faire d’abord beaucoup de route dans l’est pour aller doubler le cap Saint-Roch, la pointe orientale de l’Amérique du Sud, allonge pour les navires partis de New-York la route de 1,500 milles, ou de 500 lieues marines. Malgré ce désavantage, on voit cependant combien la balance penche en leur faveur.