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n’y voulut pas manquer. En effet, c’est en qualité de représentant de ce cosmopolitisme américain, de protecteur des opprimés, que le gouvernement des États-Unis intervient par le ministère de M. Squier dans la querelle de l’état du Nicaragua contre l’Angleterre. C’est très brillant ; mais lorsque le représentant de la reine à Washington fait savoir que son gouvernement ne veut pas pousser les choses à l’extrême, que dans le fond il tient fort peu à ce Samho, dont lord Palmerston avait imaginé de faire un roi de circonstance, que tout ce qu’il demande, c’est de prendre ses sûretés pour que l’exploitation du canal projeté ne soit pas exclusivement accaparée par le commerce américain, alors tout change de face. On oublie les principes de M. Monroë, on répudie, c’est le terme aujourd’hui consacré, les traités conclus, en vertu de ses pleins pouvoirs, par M. Squier ; on signe enfin avec l’Angleterre des conventions par lesquelles on dispose du territoire d’une république américaine indépendante et amie, et l’on en dispose si bien, que l’on s’attribue le droit de déclarer la neutralité d’un port qui lui appartient.

Comme on le pense, les traités Clayton-Bulwer et Crampton-Webster n’ont eu aucun succès au Nicaragua, bien que déchiré par la guerre civile, cet état n’a pas cessé de protester contre la situation que l’on voulait lui faire, contre les pouvoirs exorbitans que les États-Unis s’étaient arrogés. Son représentant à Washington semble même avoir fait entendre à cet égard des réclamations si vives, qu’il vient d’être congédié de la façon la plus brutale ; c’est un des derniers actes du gouvernement de M. Fillmore, mais un acte qui ne saurait rien prouver contre le droit qu’à l’état de Nicaragua à n’être point démembré par les États-Unis parce qu’il convient à leur politique ou à leur commerce qu’il en soit ainsi.

Le parti démocratique, qui vient d’arriver au pouvoir, n’a jamais trouvé ces traités de son goût. Ce n’est pas qu’il pense que l’on ait mal agi avec le Nicaragua ; mais, comme il a érigé en principe que toute l’Amérique du Nord et même tout le nouveau continent doivent appartenir aux États-Unis, il blâme très vivement la mauvaise idée qu’ont eue les whigs de chercher à s’entendre avec l’Angleterre. Aussi, aujourd’hui qu’il se sent en force, il demande déjà l’annulation pure et simple de l’une de ces conventions, et voici sur quoi il se fonde : le fait est assez bizarre pour qu’il vaille la peine d’être exposé.

Le traité signé par MM. Clayton et Bulwer, le 19 avril 1850, et ratifié par le sénat, le 22 mai suivant, à la majorité de 42 voix contre 11, dispose, on l’a vu, dans son article premier, que « l’Angleterre et les États-Unis n’occuperont, ne coloniseront et ne tiendront sous leur suprématie ni l’état de Nicaragua, ni celui de Costa-Rica, ni la côte des Mosquitos, ni aucun point de l’Amérique centrale. »