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Le même principe prévalut deux ans plus tard, lorsque la chambre fui appelée à organiser les assemblées cantonales chargées d’élire les conseillers-généraux[1], et si, par la plus bizarre des anomalies, il se trouva écarté lorsqu’il fut question de déterminer les conditions de l’électoral politique, il faut se rappeler que le rejet successif des diverses catégories de capacités, résultat d’une discussion confuse et des plus tristes passions, renversait dans ses bases la loi électorale telle qu’elle avait été conçue et présentée par la couronne. « Nous avons cherché, disait le ministre qui apportait le projet de loi, à étendre la capacité électorale en la demandant à tout ce qui fait la vie et la force des sociétés, — au travail industriel et agricole, à la propriété et à l’intelligence. La contribution publique d’une part, la seconde liste du jury de l’autre, nous procuraient une application immédiate et sûre de la théorie adoptée. Un gouvernement né du progrès de la civilisation devait à l’intelligence de l’appeler aux droits politiques, sans lui demander d’autre garantie qu’elle-même. Toutefois la loi, pour n’être pas arbitraire et vague, a joint des garanties à celles qui confèrent aux gradués des différentes facultés le droit de figurer sur la liste du jury. Elle a exigé un certain nombre d’années de domicile réel, suivant le grade qu’on occupe dans chaque faculté. Cet avantage politique que nous attachons à l’instruction contribuera, n’en doutons pas, à la répandre. Propager l’enseignement, instruire le peuple est aussi une des dettes contractées par un gouvernement libéral : nous l’acquitterons, et ce devoir sera d’autant plus impérieux, que l’instruction, comme on le voit, est désormais le moyen de généraliser les droits politiques. Il y avait, il faut en convenir, quelque chose de trop peu rationnel dans cette faculté donnée par la loi du jury à tous les citoyens éclairés de pouvoir juger de la vie des hommes, et qui n’allait pas jusqu’à concourir à la nomination de ceux qui font la loi. De même que la seconde liste du jury sert à accroître, d’après notre système, le nombre des électeurs, l’augmentation du nombre des électeurs viendra par contre-coup accroître le nombre des jurés, et par là étendre l’intervention du pays dans le jugement de ce qui l’intéresse le plus : heureuse réaction, d’où il résulte que le fait même de la promulgation de notre loi électorale sera un double bienfait pour le pays[2]. »

Si ces généreuses dispositions furent repoussées, l’opposition n’eut guère à s’en prendre qu’à elle-même, car il était naturel que d’injustes antipathies provoquassent des représailles imprudentes. Le gouvernement représentatif descendit dans ce débat jusqu’à l’esprit

  1. Loi du 22 juin 1833.
  2. M. le comte de Monlalivet ; chambre des députés, 2 février 1831.