Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin que les lois promulguées en septembre 1835 n’ont excédé dans aucune de leurs dispositions les limites constitutionnelles et légitimes d’une législation répressive, et qu’après comme avant cette promulgation la France était au nombre des nations les plus libres du monde. Néanmoins, tout en comprenant qu’on ait profité de l’émotion publique pour renforcer le pouvoir placé entre le poignard et l’outrage, comment ne pas reconnaître que les obstacles se sont accumulés sur ses pas à proportion des attributions nouvelles qui lui étaient conférées, et qu’il a bien peu gagné à voir ses adversaires substituer l’hypocrisie à la violence, les allures constitutionnelles aux audacieuses discussions qui maintenaient constamment l’esprit public en éveil ? Les conspirations et les émeutes étaient moins redoutables que les coalitions et les crises ministérielles passant en quelque sorte à l’état chronique ; le gouvernement représentatif avait bien moins à craindre le succès d’un coup de main que les égoïstes intrigues qui suspendaient les destinées de la France à quelques noms propres, et la monarchie de 1830 était moins menacée par les attaques de ses adversaires que par les implacables rivalités de ses défenseurs. Le ministère du 11 octobre tomba parce que, après avoir heureusement résolu la plupart des questions, détourné les dernières chances de guerre et arraché ses dernières armes à l’anarchie, il ne laissait en présence l’une de l’autre que des personnalités dont la concurrence effrénée allait devenir tout à coup la grande et presque la seule affaire de la politique française. Si l’histoire enregistre les mille misères de ce temps, si elle s’arrête aux nombreuses péripéties de ce drame de couloirs, qui ne se fit supporter de la France que par l’admirable talent avec lequel il fut joué, elle ne se trompera certainement point sur le caractère de tant de crises successives. Elle dira que le ministère du 11 octobre ne s’est point divisé sur la question de la conversion de la rente, pas plus que celui du 6 septembre n’est tombé sur le projet relatif à la disjonction de juridiction réclamée pour les accusés civils et militaires, ni celui du 12 mai sur les dotations princières ; elle constatera cette vérité déplorable, mais éclatante, que les occasions des crises ministérielles n’en étaient jamais les causes véritables. Elle montrera qu’aucun système n’était sérieusement engagé dans ces conflits, dont le seul but était d’étendre telle influence, de contrecarrer telle autre, de faire arriver aux affaires certaines nuances de l’opposition, plus préoccupées de stratégie que de politique, d’intérêts privés que d’intérêts généraux, et dont les membres auraient été fort en peine d’indiquer les idées dont ils pouvaient être l’expression.

Passons rapidement, pour ne pas nous heurter à de douloureux souvenirs, sur ces faiblesses de grands esprits bien moins dominés