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été le meilleur allié des Chinois. Séou en cette circonstance n’eut garde de l’oublier.

La junte portugaise n’avait pas cru qu’elle pût se contenter de la réparation qui lui était offerte. Les dépositions des trois soldats chinois qu’elle retenait dans les prisons de Macao, en lui donnant l’espoir d’arriver à la découverte des meurtriers réels, devaient la mettre doublement en garde contre une reproduction du misérable artifice a l’aide duquel on avait satisfait les Anglais dans l’affaire de Houang-chou-ki. Quand bien même d’ailleurs Séou eût immolé, dans ce Sen-chi-liang dont il offrait la tête, un des auteurs de l’horrible attentat, la précipitation avec laquelle on avait fait disparaître un témoin aussi important n’indiquait point, de la part du vice-roi, l’intention de répondre par une enquête sérieuse aux soupçons qu’avait pu inspirer sa conduite antérieure. L’autorité chinoise, — ceci demeurait avéré, — avait eu connaissance des proclamations dans lesquelles on mettait à prix la tête du gouverneur. Au lieu d’arrêter ces odieuses provocations, elle avait secrètement rassemblé ses troupes sous les murs de Macao, se tenant prête à profiter du crime, si elle ne l’avait pas commandé. Le conseil avait le droit et le devoir d’exiger que toutes ces circonstances fussent éclaircies. Il ajourna cependant la protestation qu’il méditait pour n’apporter aucun obstacle à la remise de la tête et de la main du gouverneur ; mais à cette remise même le vice-roi avait attaché une condition. Il réclamait l’élargissement simultané des trois Chinois détenus, et cette prétention, qu’on avait affecté à Macao de ne point comprendre, se trouvait implicitement confirmée par les communications plus récentes du mandarin de Caza-Branca. Le conseil ne répondit à ce fonctionnaire d’un ordre inférieur qu’en lui désignant, pour le lendemain, l’heure à laquelle il se tiendrait prêt à recevoir les précieux restes promis par le vice-roi.

Le 27 septembre, dès cinq heures du matin, les troupes portugaises étaient sous les armes. Une commission, composée d’officiers de santé, attendait sous une tente que les restes de l’infortuné gouverneur lui fussent présentés pour en constater l’identité. À six heures, le ministre de France et celui des États-Unis se rendaient à la barrière accompagnés des officiers du Plymouth, du Dolphin et de la Bayonnaise. Aucun mandarin ne parut sur la route de Caza-Branca, et, après deux heures d’attente, le cortège assemblé pour cette triste cérémonie dut se retirer.

L’exaltation des soldats irrités de ce nouvel outrage était si vive, qu’on dut craindre de les voir se porter sur Caza-Branca. On parvint cependant à les contenir. Quant au conseil, il dut espérer que, ce désappointement, trop facile à prévoir, réchaufferait les sympathies des auxiliaires dont l’assistance pouvait seule donner quelque