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poids à ses réclamations. Les ministres étrangers s’étaient depuis longtemps interdit toute démarche collective. Chacun d’eux cependant s’empressa d’exprimer au vice-roi l’horreur que lui inspirait cette étrange idée de vouloir trafiquer des restes d’un homme si lâchement assassiné. Le gouverneur de Hong-kong ne fut, il faut le dire, ni le moins énergique ni le moins bien inspiré dans l’expression de son indignation. On ne lira point sans quelque intérêt la lettre qu’il écrivit à cette occasion au vice-roi du Kouang-tong.

« Dans la réponse que votre excellence m’a adressée le 17 du mois dernier et dont j’ai eu l’honneur de lui accuser réception, vous m’informiez que vous aviez donné l’ordre à un officier de se rendre à Macao, pour y faire la remise de la tête et de la main du gouverneur portugais.

« Après avoir reçu cette assurance, j’ai été très étonné d’apprendre ce matin, par une communication du sénat portugais de Macao, que l’officier député par votre excellence se refusait à livrer la tête et la main du gouverneur, jusqu’au moment où trois Chinois, détenus par les autorités portugaises pour servir de témoins dans cette affaire, auraient été relâchés.

« J’ai peine à croire qu’un fonctionnaire d’un rang aussi élevé que votre excellence, après s’être avancé comme elle l’a fait, puisse chercher soudainement dans l’addition de conditions mentionnées pour la première fois un prétexte pour manquer à sa parole et à l’exécution de ses engagemens. La promesse contenue dans la lettre que m’a adressée votre excellence était toute spontanée. Je l’ai reçue connue représentant de ma souveraine, et j’ai tout droit d’attendre qu’elle sera fidèlement accomplie.

« Cette affaire n’est point une affaire ordinaire. Votre excellence peut être convaincue que pour exprimer de ce meurtre, quand elles en auront connaissance, une horreur non moins grande que leurs représentans, les puissances de l’Occident n’ont pas besoin que des incidens nouveaux viennent ajouter à la gravité d’un pareil attentat. Ce sont là des circonstances où toutes les nations étrangères n’ont plus qu’un sentiment, — exécration du forfait, compassion pour celui qui en a été la victime. Et certes il serait désirable que ce sentiment ne reçût point une nouvelle impulsion des prétentions étranges contre lesquelles j’ai dû protester. Si quelque chose, songez-y, doit donner plus de poids encore à mes paroles, c’est l’importance que votre nation a toujours attachée aux rites sacrés de la sépulture. »

Le vice-roi, néanmoins, ne fléchit point sous ces protestations véhémentes. Il y répondit, non pas en faisant parvenir à Macao la tête et la main du gouverneur, mais en annonçant au conseil qu’il venait de découvrir encore deux des meurtriers. Ces criminels, poursuivis de près par les satellites, s’étaient réfugiés, disait-il, dans un bateau. Les soldats les avaient attaqués : l’un des malfaiteurs, blessé d’un coup de feu, était tombé à la mer, on n’avait pu retrouver son corps ; l’autre avait reçu un coup de sabre en se défendant. On s’occupait de le guérir avant de le juger.