Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/532

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le gros de la flotte, qui s’était réfugié dans le fond de la baie. On lui reprocha vivement d’être revenu à Hong-kong au lieu d’y avoir envoyé demander des renforts par quelque bateau pécheur.

Les propriétaires du Sylph, de leur côté, avaient nolisé un petit steamer appartenant au commerce anglais, le Canton, et, avec un détachement de cinquante hommes obtenu de la frégate l’Amazon, ils fouillaient tous les replis de la côte dans l’espoir d’y découvrir le navire objet de leurs recherches. Ils firent ainsi la rencontre d’un groupe de pirates, détruisirent six jonques et rentrèrent à Hong-kong sans avoir eu aucune nouvelle du Sylph. L’apparition de ces deux navires européens sur la côte avait obligé Shap-ng-tsai à prendre le large pour aller chercher un refuge dans le golfe de Hong-king. Sa flotte fut assaillie par le typhon du 13 septembre, et plusieurs jonques sombrèrent avant d’avoir pu gagner un abri.

On avait perdu la trace de ce chef entreprenant, quand des pêcheurs bloqués par une autre flotte, celle de Chui-a-poo, qui avait établi ses arsenaux et sa croisière sur la côte orientale de la province, détachèrent un bateau à Hong-kong pour y réclamer secours et protection. On n’avait sous la main que le brick le Columbine. L’amiral l’expédia sur-le-champ. Contrarié par la brise, le brick arriva malheureusement trop tard ; les pirates avaient pris le large. Le Columbine les trouva sous voiles et les poursuivit pendant trente-six heures sans pouvoir les approcher. Dès que la brise mollissait, les pirates avaient recours à leurs avirons et prenaient sur le brick une grande avance. Le steamer le Canton, nolisé cette fois par des négocians américains pour aller à la recherche du clipper la Coquette, qui avait disparu pendant le dernier typhon, fut attiré sur les lieux par le canon du Columbina et s’empressa de donner la remorque au brick anglais ; mais quand les jonques, se voyant serrées de près, ouvrirent le feu de leur grosse artillerie, le Canton craignit que sa machine ne fût atteinte par quelque projectile et se retira. Le Columbine se trouva donc de nouveau livré à ses propres ressources. À quatre heures du soir, essayant toujours de suivre les jonques qui avaient rallié la côte, il s’échoua sur un fond de vase. Le Canton vint encore une fois à son aide et le remit à flot. Déjà les jonques avaient disparu derrière une pointe et se trouvaient hors de portée des canons du brick. Le capitaine Hay résolut de les faire attaquer par ses embarcations. Les pirates firent bonne contenance et tinrent pendant près d’une heure les canots en échec. Au moment où les Anglais montaient à bord de celle des jonques qui leur avait opposé la plus vive résistance, les Chinois, se voyant au moment d’être pris, mirent le feu aux poudres, et cette énorme barque vola en mille fragmens dans les airs. Deux matelots européens furent tués