Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/551

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeune vieillard, gris-pommelé, rasé, rusé, blasé, frisqué et guerdonné comme amoureux en baptême, à la vérité ; mais ridé, chassieux, jaloux, sottin, goutteux, marmiteux, qui tousse, et crache, et gronde, et geint tour à tour. Gravelle aux reins, perclus d’un bras et déferré des jambes ; le pauvre écuyer ! S’il verdoie encore par le chef, vous sentez que c’est comme la mousse ou le gui sur un arbre mort ; quel attisement pour un tel feu ! » Le portrait de Rosine était dans ce même ton rabelaisien, qui ne se retrouvait plus guère que sur les théâtres du boulevard. Il y avait aussi des scènes où la liberté du langage était poussée fort loin, notamment une scène où Basile, consulté par Bartholo sur son mariage avec Rosine, lui récitait avec des variantes le fameux quatrain de Pibrac sur les vieillards qui épousent de jeunes femmes. Toutes ces additions ayant considérablement allongé le manuscrit primitif déjà trop long, Beaumarchais avait été conduit à y ajouter un acte en coupant le troisième en deux ; mais la coupure était des plus malheureuses, et l’on s’explique très bien qu’elle ait contribué à faire tomber sa pièce à la première représentation. Le quatrième acte commençait au milieu du troisième, au moment où Rosine vient de chanter l’ariette qu’on ne chante plus aujourd’hui :

Quand dans la plaine
L’amour ramène
Le printemps, etc.

Almaviva, déguisé en maître de musique, et qui attend Figaro, après avoir dit à Rosine, comme dans la pièce imprimée : « Filons le temps, » ajoutait ceci :


« Et le beau récitatif obligé qui suit le morceau, le dites-vous aussi, madame ?

Rosine. — Oui ; mais c’est au clavecin qu’il faut l’accompagner à cause des fréquentes ritournelles.

Bartholo. — Ah ! passons au clavecin, car il n’y a rien dans le monde d’aussi important que les ritournelles. »


Or le clavecin, par une invention assez pauvre, au lieu de se trouver dans la pièce où l’on venait de chanter, se trouvait dans un cabinet voisin. Les deux amans, après avoir essayé, mais en vain, d’obtenir de Bartholo qu’il les écoutât du salon, passaient avec lui dans le cabinet ; la toile tombait sur ce maigre incident, et c’était la fin du troisième acte. Au quatrième acte, Bartholo, Rosine et le comte rentraient comme ils étaient sortis. « Je n’en ai pas perdu une syllabe (du récitatif), disait Bartholo : il est bien beau, mais elle a raison, on étouffe dans ce cabinet. Demain, je fais remettre son clavecin dans le salon. » Et la conversation reprenait en attendant l’arrivée de Figaro. Ce quatrième acte, composé d’une moitié du troisième,