gracieux qui les animent le remplissait dès lors d’une ineffable joie. Il passait, dit-il, des heures pleines d’un calme ravissement à contempler des œufs logés dans la mousse ; puis il désira posséder ces objets de son amour. La mort des oiseaux qu’il avait rassemblés désolait son jeune cœur. L’idée lui vint d’en reproduire les images ; mais pendant bien longtemps ses efforts furent infructueux, et chaque année il brûlait une centaine d’ébauches à l’anniversaire de sa naissance. Il vint en France, entra dans l’atelier de David, où il ne dut pas trouver ce sentiment naïf de la nature qu’il cherchait, mais qu’il ne s’applaudît pas moins d’avoir fréquenté. Il retourna dans ses forêts, y vécut ; puis, sa passion pour les oiseaux ne l’ayant pas empêché d’en ressentir une autre, il en sortit pour se marier, et pendant vingt ans mena une vie agitée, contrariée, entreprenant divers négoces, et ne réussissant dans aucun, parce que son âme était ailleurs. Enfin il n’y put tenir. Blâmé par ses amis, il quitta tout pour reprendre sa vie errante à travers les bois, au bord des lacs, sur les rivages de l’Atlantique ; il allait sans but encore, ne voulant que rassasier ses yeux du spectacle de la nature, et surtout de la création ailée ; un jour, dans les forêts vierges du Haut-Hudson, la pensée lui vint de publier le résultat de tant d’observations faites pour son propre plaisir, et une représentation plus complète, plus semblable à la nature, des êtres qu’il aimait. Il rencontra moins de difficultés que Wilson. L’Américain fut plus libéralement aidé en Écosse que l’Ecossais ne l’avait été en Amérique ; mais, avant de mener à fin son entreprise, il avait eu aussi ses mauvais momens, quand, par exemple, il trouva dans une caisse, où il avait laissé mille dessins, deux rats de Norvège établis avec leur famille au milieu des lambeaux souillés de son œuvre. Il en pensa devenir fou. Audubon, Français d’origine, est mort il y a seulement quelques années.
On voit au musée de Philadelphie la collection de crânes formée par M. Mortou, l’auteur de la Cranologie américaine. M. Morton avait pris la race américaine pour but particulier de ses recherches ; mais le besoin de comparer la configuration des populations du nouveau continent à celle des autres peuples le conduisit à former une collection très remarquable qui après sa mort a été momentanément déposée au musée de Philadelphie. M. Morton est un de ceux qui ont montré qu’il fallait chercher dans une déformation artificielle l’origine de certaines formes de la tête, monstrueusement aplatie chez diverses tribus américaines, et chez d’autres démesurément élargie pour la faire ressembler à la lune, pratiques, du reste, qui ne sont pas étrangères à la France, et dont les résultats ont été étudiés sur des têtes d’aliénés. Quant à la question de race et d’origine, M. Morton est arrivé à cette conclusion, que le nouveau continent tout entier