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sa croissance a été subite et son apprentissage insensible. Le jour même de sa naissance, chez cet orfèvre florentin à qui le hasard venait de la révéler, elle a produit un chef-d’œuvre, ce petit couronnement de la Vierge qui fait aujourd’hui la gloire de notre cabinet des estampes ; bijou vraiment sans pareil, puisque son moindre mérite est d’être incontestablement la première estampe connue. Par la finesse du trait, par la suavité mystique de la composition, ce nielle de Finiguerra ne semble-t-il pas sorti de la main de Fra Angelico lui-même ? Il y a donc dans les gravures des anciens maîtres autre chose que leur vétusté et leur rareté ; il y a presque toujours des modèles de précision, de netteté, de naïveté consciencieuse. École instructive et sévère où tant de gens auraient besoin d’aller ! Le seul défaut de ces précieuses reliques, c’est d’avoir un si grand prix, et d’être, au lieu d’un texte d’études, des objets de pure curiosité.

Si les planches avaient survécu, on en pourrait tirer des épreuves, affaiblies, imparfaites, mais suffisantes pour l’étude. Par malheur, les planches ont disparu ; les refaire, c’est-à-dire les copier sur cuivre, serait une folie, une entreprise ingrate et téméraire dont personne n’oserait se charger. Le mal serait donc sans remède, si un nouveau hasard n’avait enseigné à un autre Finiguerra un secret plus merveilleux encore que l’art d’imprimer des estampes. Désormais les plus anciennes gravures peuvent devenir aussi rares qu’elles voudront, les planches peuvent se perdre ; pourvu qu’il en reste une épreuve, la photographie se charge ; de tout ressusciter ; en un clin d’œil, elle refait à sa manière une planche d’où peut sortir une série d’épreuves, moins pures peut-être que les bonnes épreuves primitives, mais égales pour le moins à celles qu’on tirerait d’un cuivre tant soit peu fatigué.

C’est ce moyen presque magique de multiplier les anciennes estampes qui a donné à M. Benjamin Delessert l’idée de sa publication ; il édite à nouveau une portion de l’œuvre de Marc-Antoine pour démontrer pratiquement, par un exemple, le parti qu’on peut tirer de la photographie spécialement appliquée à ce genre de reproduction. D’autres avant lui avaient fait des essais analogues non sans succès, mais en négligeant un des termes du problème, le bon marché. Les expériences de M. Benjamin Delessert ont été particulièrement dirigées de ce côté ; il a longtemps cherché parmi tous les procédés photographiques non-seulement le plus sûr, mais le moins dispendieux, et ce qui prouve qu’il a bien choisi, c’est la parfaite réussite et le prix plus que modeste des échantillons qu’il nous donne. Il n’a donc qu’à s’applaudir de sa persévérance ; elle aura rendu aux arts un véritable service, et nous ne le félicitons pas seulement d’avoir conçu