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le recueil d’où je les ai extraites. Celles qu’on y trouve sur la situation de l’Angleterre pendant les premières années qui suivirent la révolution de 1688 sont d’un grand intérêt. Cette révolution a un caractère particulier qui la distingue de tous les événemens du même genre, et qui, si je ne me trompe, a puissamment contribué à en assurer le succès définitif, bien qu’il ait nui à l’éclat de ses commencemens. Les autres révolutions ont été, presque sans exception, le résultat, l’explosion d’un sentiment d’enthousiasme tendant à la complète d’institutions et de libertés nouvelles ; celle de 1688 n’a été qu’un acte de défense contre les injustes agressions d’un pouvoir usurpateur, et le peuple anglais ne s’y est même déterminé qu’à contre-cœur, à la dernière extrémité, après avoir supporté tout ce qu’il était possible de supporter sans renoncer à ses plus chers intérêts.

Cette longue patience s’explique par les agitations et les vicissitudes diverses que l’Angleterre avait eu à traverser depuis un demi-siècle. Entraînée un moment par le fanatisme religieux aux derniers excès du fanatisme politique, elle avait renversé les deux fondemens les plus solides de sa constitution, le trône et l’église. Elle en avait été punie par un despotisme glorieux sans doute, mais oppressif, et qui n’avait pu parvenir à se consolider. La royauté et l’épiscopat s’étaient relevés, et les Stuarts, en reprenant leur couronne, avaient trouvé les esprits tellement désabusés des illusions auxquelles on attribuait les malheurs du pays, tellement enclins même à confondre dans un anathème commun les égaremens de l’anarchie et les principes de la liberté, qu’il leur eût été possible, j’en suis convaincu, de rendre leur puissance absolue, au moins pour bien longtemps, si, plus ou moins dominés par les influences du catholicisme, ils n’eussent inquiété les seuls sentimens qui conservassent encore chez leurs sujets quelque vitalité et quelque énergie, la haine de la religion romaine et la crainte de retomber sous l’autorité du saint-siège.

On sait comment, pendant les vingt-cinq années du règne de Charles II, l’Angleterre, flottant sans cesse entre cette préoccupation passionnée qui la jetait dans les bras des amis de la liberté et les souvenirs terribles de la révolution qui la ramenaient repentante et docile aux pieds de son indigne monarque, s’abandonna successivement, dans les sens les plus contradictoires, à de sanglantes réactions. On sait, comment Jacques II, par l’ardeur téméraire de son prosélytisme catholique, bien plus que par les cruautés et les illégalités sans nombre de son gouvernement, parvint en trois années à tourner contre lui non-seulement le parti- whig, dont les dispositions lui avaient toujours été hostiles, mais le parti tory, qui avait défendu ses droits avec le dévouement le plus passionné, lorsqu’ils avaient été menacés. Une révolution nouvelle sortit de cette lutte, et les hommes