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on ne découvre pas pour une centaine de francs de vases. Si l’on rencontre un tombeau non encore exploré, on trouve des sièges et des flambeaux de bronze, souvent des pendans d’oreilles, des diadèmes et des bracelets élastiques fort légers, mais admirablement travaillés, et de l’or le plus pur. En général, un tombeau non encore exploré vaut 5 ou 600 francs.

Don Alessandro Torlonia, qui a consacré une partie de son immense fortune à protéger les arts, a fait faire des fouilles l’année dernière dans différentes parties de son duché de Ceri. Ses ouvriers ont trouvé dans un seul tombeau des bracelets et des bagues qui, après tant de siècles, avaient encore conservé une élasticité parfaite. Un seul de ces bracelets, qui pouvait ainsi s’adapter également à tous les bras, et qui s’est trouvé d’un or beaucoup plus pur que celui des napoléons, pesait quatre-vingt-quatre napoléons d’or.

J’ai remarqué que, lorsqu’on va visiter une fouille, après avoir admiré la forme élégante des vases, des trépieds d’airain et autres objets découverts, la curiosité humaine se trahit constamment par une dernière discussion ; on se demande toujours : Dans quel temps ces tombeaux ont-ils été construits ?

On vient d’élever à Paris, dans la rue d’Anjou Saint-Honoré, une jolie petite église gothique. La postérité croira-t-elle que cette construction est du XIIe siècle ? À Rome, l’extrême civilisation du siècle d’Auguste et le dégoût de la guerre amenèrent le dégoût des choses utiles, bientôt même on cessa d’aimer le beau ; tous les arts cherchèrent à surprendre par quelque chose de nouveau, par quelque chose de bizarre. La bonne compagnie fut travaillée par une sorte de maladie semblable à notre goût pour l’architecture de la renaissance et pour les meubles du moyen âge. Quelques seigneurs romains eurent la fantaisie de se placer dans des tombeaux étrusques. J’ai vu dans un de ces tombeaux une peinture évidemment romaine. Dans un autre, on m’a montré les croix du christianisme. En conclurons-nous que ces tombeaux ont été bâtis sous Constantin et ses successeurs ?

Pour être admis dans le corps d’ailleurs si respectable des archéologues, il faut savoir par cœur Diodore de Sicile, Pline et une douzaine d’autres historiens ; de plus, il faut avoir abjuré tout respect pour la logique. Cet art importun est l’ennemi acharné de tous les systèmes ; or comment un livre d’archéologie peut-il attirer l’attention du monde, même légèrement, sans le secours d’un système un peu singulier ? Je connais onze systèmes sur l’origine des vases peints et des tombeaux étrusques cachés sous terre. Le plus absurde est, ce me semble, celui qui suppose que tout cela a été fait sous Constantin et ses successeurs. Le système que j’adopterais volontiers et que je proposerais au lecteur, tout en convenant qu’il est malheureusement