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DE


LA PERSPECTIVE AERIENNE.




De loin, de dessus les montagnes de Solyme.
HOMERE.


La perspective proprement dite est une science tout à fait mathématique, qui n’admet aucune contradiction, qui n’a rien à voir avec la folle du logis, l’imagination, et dont les démonstrations, on pourrait même dire les axiomes, n’ont jamais soulevé aucune réclamation ni rencontré aucune dissidence d’opinions. Ainsi un objet rapproché de nous parait plus gros en proportion de sa proximité. Une maison voisine nous cache un grand édifice plus éloigné. La lune, qui n’est en diamètre que du tiers ou le quart de la terre, nous cache, dans les éclipses, le soleil entier, qui est cent douze fois plus étendu dans chaque dimension que notre terre, parce que la lune est quatre cents fois plus près de nous que le soleil, et compense par son voisinage ce qui lui manque en grosseur.

C’est encore un effet de perspective qui nous fait croire que les arbres d’une longue avenue vont en se rapprochant à mesure qu’ils sont plus loin du promeneur. Lorsque du sommet des Alpes, des Pyrénées ou des montagnes de la France centrale, on aperçoit des troupeaux de bœufs sur les versans éloignés, on peut à peine se figurer, à cause de leur petitesse apparente, que ce soient même des troupeaux de moutons. À cette distance, les hautes forêts de sapins se confondent avec les humbles pâturages qui s’étendent à leurs pieds, et les aigles qui planent entre ces hautes cimes semblent à peine égaler en grosseur nos pigeons ou nos hirondelles domestiques.

Ainsi donc tout le monde es ! d’accord que, dans un paysage, dans un tableau, un buisson vu de près doit être représenté de la même grandeur qu’un arbre éloigné, qu’un chien trois fois plus éloigné qu’un chat doit être de même dimension sur la toile que son confrère en domesticité, enfin qu’un canal vu de face, pour paraître d’une largeur uniforme, doit être dessiné bien plus étroit vers le fond du paysage que sur le premier plan.