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surprenant que la poésie s’inspire de toutes les merveilles de l’histoire évangélique ? Reste toujours sans doute la question de l’exécution ; au fond, cela ne veut dire qu’une chose : c’est qu’il y a des poètes, comme on en a vu beaucoup, traduisant les psaumes et la bible en vers assez ridicules, tandis qu’il y a des poètes, comme M. de Laprade, qui, avec une inspiration honnête, et pure, savent puiser dans ces sources mystérieuses et profondes une poésie que tout le monde peut goûter sans péril, et même sans risquer son orthodoxie littéraire, parce qu’au respect de la chose sainte vient s’allier un art plein d’abondance et d’éclat.

C’était M. Viennet cette fois qui avait la mission de raconter les actes devenu couronnés par l’Académie, et l’auteur des Fables s’en est tiré en faisant contre les détracteurs dès prix de vertu une vive sortie qui ne convaincra peut-être personne, mais qui n’en est pas moins spirituelle et mordante, et qui allait d’ailleurs atteindre bien d’autres que ceux qui n’ont pas une foi entière à l’efficacité des couronnes académiques pour enfanter la vertu. Si M. Viennet n’avait en vue que d’opposer ces dévouemens obscurs, ces vies simples et pleines de bien pratique dont il était l’historien, au vice insolent, aux fortunes scandaleuses, aux héros de la Bourse, aux coureurs d’emplois de tous les régimes, certes rien n’était plus juste ; mais cela ne veut point dire que l’institution de récompenses pécuniaires soit la preuve d’une grande estime accordée par un peuple à la vertu. La principale raison, non pas essentiellement contre les distributions secourables faites par l’Académie, mais contre le titre un peu fastueux donné à ces récompenses, c’est qu’en réalité ce ne sont point des prix de vertu, car autrement cette prime offerte à l’accomplissement du devoir serait faite pour détruire la plus simple idée du bien. Et puis, si c’était réellement un concours ouvert aux actions vertueuses, il faudrait en conclure que la vertu n’a qu’une forme, celle du domestique fidèle à son maître, du pauvre paysan qui adopte des enfans pour les arracher au dénûment, puisque l’Académie ne couronne que ce genre d’actions : de telle sorte qu’après avoir laissé tomber l’humiliant aveu que la vertu n’est pas du côté du sexe masculin dans le dernier concours académique, M. Viennet serait conduit encore à confesser qu’elle n’appartient qu’à une classe qui n’est point la Sienne. M. Viennet propose, il est vrai, de décerner des prix à des actes plus élevés : il veut des récompenses pour les vertus civiques. Malheureusement il pourrait étendre ce cercle sans que le nombre des lauréats fût immense. Cependant qui sera le juge du concours ? Quand l’Académie réunirait tous les fonds qu’elle possède, elle ne parviendrait point à égaler ce que peut gagner en un moment un joueur de bourse ; ceux qui ont besoin de ce stimulant seront donc peu sensibles aux offres de l’Académie, et ceux qui sont habitués à puiser ailleurs la règle de leurs convictions ont encore moins besoin de ses encouragemens. Cela n’a point empêché M. Viennet de raconter avec émotion les actes de vertu couronnés par l’Académie, après avoir défendu vivement la pensée même de ces prix. Par une rencontre singulière, M. Viennet ne s’est point borné, dans ces derniers temps, à son discours académique ; il vient de publier des vers sous le titre de Mélanges de poésie, et nous devons ajouter qu’ils respirent le plus honorable parfum classique. Ce sont des vers de 1825, un poème sur les Nègres, un autre sur Parga,