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avec le comte de Mar et ses compagnons ; mais quand son messager toucha l’Ecosse, Jacques l’avait déjà quittée après une oisive et déplorable campagne, et il débarquait à Gravelines.

À la fin de février, il était à Saint-Germain. Dés le matin de son arrivée, il vit Bolingbroke qu’il reçut à bras ouverts. En apprenant son retour, ce dernier avait prévenu la cour de France, qui demanda que le chevalier se retirât sur-le-champ à Bar ou à Commercy. Il était de son intérêt de s’y rendre avant que le duc de Lorraine eût le temps de s’engager à ne le pas recevoir. On parlait de l’envoyer en Italie, ou du moins à Avignon, en terre papale, le pire des refuges pour un candidat à la couronne d’Angleterre. Bolingbroke porta donc le conseil d’un prompt départ à son prince, qui le renvoya demander à Paris la permission de rester à Saint-Germain et une entrevue avec le régent. Le maréchal d’Huxelles eut ordre de répondre par un refus. Bolingbroke revint auprès du prince, demeura avec lui jusqu’à deux heures du matin, et Jacques, dont les malles étaient faites et qui devait partir à cinq heures, le chargea, en le quittant, d’aller annoncer aux ministres son départ ; il lui donna plusieurs ordres, lui demanda quand il pourrait le rejoindre, et lui dit adieu avec mille marques d’affection et de confiance.

Jacques partit en effet, mais pour la maison du bois de Boulogne. Il y resta caché quelques jours, y vit les ministres d’Espagne et de Suède et peut-être le duc d’Orléans, puis de là il envoya Ormond à Bolingbroke avec deux billets antidatés, pour qu’ils parussent écrits de la route. Ormond commença par dire dans la conversation tout ce qui pouvait persuader du départ du prétendant un homme parfaitement informé du contraire ; puis il lui remit les deux écrits, tous deux de la main royale. L’un, adressé à Bolingbroke, lui signifiait laconiquement qu’on n’avait plus besoin de ses services ; l’autre, au duc d’Ormond, le chargeait de recevoir tous les papiers de la prétendue secrétairerie d’état. Bolingbroke les lui remit sur-le-champ en lui rendant les sceaux, et déclara qu’il ne voulait plus avoir rien à démêler avec le prétendant et avec sa cause. Il tint parole cette fois, car peu après, la reine douairière l’ayant prié de ne pas se retirer, il refusa, disant qu’il était libre maintenant et qu’il aimerait mieux se brûler la main que prendre la plume ou l’épée à leur service. Il ne les revit plus en effet, et peu de jours après leur dernière séparation le chevalier de Saint-George était sur la route d’Avignon, c’est-à-dire qu’il abandonnait la partie. Le régent ne tardait pas à envoyer Dubois à Stanhope pour négocier un rapprochement entre les deux royaumes, et au commencement de 1717 le traité de la triple alliance entre la France, la Grande-Bretagne et la Hollande apprenait à l’Europe qu’une nouvelle politique commençait.