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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/1128

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et l’ancien ami de Bolingbroke, était, avec les autres membres de la junte secrète, traduit devant les deux chambres. Aux premières ouvertures qui lui furent faites en faveur de Bolingbroke, Walpole répondit avec sévérité ; il s’écria même dans le conseil : « Puissent l’attainder n’être jamais aboli et les crimes jamais oubliés ! » Tout espoir semblait perdu, si lord Harcourt, qui, plus fidèle à d’anciennes amitiés qu’à son ancienne politique, s’était rapproché du gouvernement, n’eût fait arriver M de Villette (elle ne prenait pas d’autre nom) jusqu’à la duchesse de Kendal. Erengarde Mélusine de Schulenbourg était une Allemande laide et vénale, maîtresse en titre de George 1er. On dit que ses bontés pour Bolingbroke ne furent pas payées moins de 11,000 livres sterling. Elle obtint une promesse du roi, que Walpole n’osa ou ne put faire rétracter, et il se borna à en réduire l’effet à la remise de la peine capitale. Il fut convenu que Bolingbroke pourrait résider en Angleterre, mais sans recouvrer ni ses droits, ni ses titres, ni sa fortune.

Voltaire venait d’avoir la petite-vérole, et dans une épître assez faibli ; où il remercie son médecin de l’avoir sauvé, heureux à la pensée qu’il reverrait ses amis, il s’écriait :

Et toi, cher Bolingbroke, héros qui d’Apollon
As reçu plus d’une couronne,
Qui réunis en ta personne
L’éloquence de Cicéron,
L’intrépidité de Caton,
L’esprit de Mécénas, l’agrément de Pétrone,
Enfin donc je respire, et respire pour toi ;
Je pourrai désormais te parler et t’entendre[1]


Mais cette joie, exprimée en vers si singuliers aujourd’hui, ne fut pas de longue durée, et bientôt Voltaire écrivait à son amie la présidente de Bernières : « Une chose qui m’intéresse, c’est le rappel de milord Bolingbroke en Angleterre. Il sera aujourd’hui à Paris, et j’aurai la douleur de lui dire adieu, peut-être pour toujours (avril 1723). » Il partit en effet quelque temps après, et le 11 juin il arrivait à Calais, quand il vit avec surprise débarquer l’évêque Atterbury, qu’un bill d’attainder venait de condamner au bannissement. « Je suis donc échangé ! » s’écria le prélat en apprenant que Bolingbroke était là, prêt à passer le détroit.

En Angleterre, Bolingbroke trouva le roi parti pour le Hanovre, et il dut se bornera lui écrire une lettre de remerciemens, ainsi qu’à la

  1. Dans une première rédaction où il ajoutait aux autres dons de Bolingbroke la science de Varron, Voltaire le remerciait de s’être intéressé à lui pendant sa maladie :

    Bolingbroke, à ma gloire, il faut que je publie, etc.